Le nouveau long-métrage de Mia Hansen-Love, Un beau matin, est une fois encore une réussite et peut-être son meilleur.

Avec beaucoup de sensibilité et d’intelligence, la réalisatrice aborde les relations humaines inter et intragénérationnelles en nous faisant croiser le chemin de Sandra (Léa Seydoux), de son père Georg (Pascal Greggory), éminent professeur de philosophie atteint de troubles cognitifs, et de la petite Linn que Sandra élève seule après la perte de son mari.

Ce très beau film délicat et sensible, mêle l’intime et le public pour nous faire partager la difficile gestion des sentiments contradictoires que l’on peut éprouver face aux événements extérieurs et privés. En réaction à ceux-ci, tout en tenant compte de leur volonté, les personnages seront obligés de gérer ce qui peut être dit, ce qui devrait se dire et, au final, ce qui est dit. Ainsi, qu’est-ce que Sandra peut raconter sur la déchéance physique et intellectuelle de son père à d’anciennes élèves de celui-ci qui souhaitent le contacter ? Quels mots trouvera Clément (Melvil Poupaud) pour dire à la mère de ses enfants qu’il n’est finalement plus amoureux d’elle ? Enfin, Sandra pourra-t-elle tout dire à Linn quand Clément fera irruption dans sa vie ?

Sandra, assaillie de sentiments divers, de la tristesse de voir la déchéance paternelle à la joie d’une possible reconstruction familiale, est ici au centre de ces questions traitées avec beaucoup de finesse.

Le film est aussi riche dans ses thématiques. Celle de l’héritage : que garder du grand homme que fut Georg, tant du point de vue intellectuel que matériel ? Celle de l’ambivalence dans les relations humaines, avec le nouveau couple Sandra/Clément en porte-à-faux ou celui de Georg/Françoise quand celle-ci (Nicole Garcia), la mère de Sandra, reste malgré leur séparation visiblement encore attachée à son ex-mari. Celle de la culpabilité liée à l’abandon, parfois malheureusement nécessaire. Celle de la préservation d’un espace et d’un temps pour soi malgré les contraintes lourdes du quotidien, du travail, et de la maladie…

Enfin, les sentiments d’amour que se portent les personnages sont avant tout porteurs de tendresse et d’espoir, même dans les moments les plus difficiles.  Chaque protagoniste est en effet capable d’assumer, pour le meilleur ou pour le pire, les changements chez les autres. N’est-ce pas une des meilleures preuves d’amour que de continuer à aimer un être qui évolue, de ne pas rester fixé sur un instantané mais d’accepter son cheminement, bref de considérer l’autre comme une personne humaine et non comme une image figée ?

Porté par de formidables acteurs dirigés avec brio, dont une Léa Seydoux qui emporte l’adhésion dans un rôle moins monolithique qu’à l’accoutumée, ce film profond et juste saura à n’en pas douter toucher de nombreux spectateurs.

Laurent Schérer