Les démons d’argile est le premier long métrage d’animation du réalisateur portugais Nuno Beato.

Rosa est une employée modèle dans une société qui concentre toutes les tares du management moderne : employés mis en compétition les uns contre les autres, sollicitations permanentes de la direction de jour comme de nuit... Se noyant dans le travail, la jeune Rosa n’a pas pris le temps depuis son départ à la ville de revoir ni même de répondre à Marcelino son grand-père qui l’a élevée. À la mort de celui-ci, elle se sent coupable de cette négligence et retourne au village de Sarronco, dans la maison de Marcelino.

Elle se retrouve alors dans un environnement bien différent de celui dont elle se rappelait, les villageois lui montrant une certaine hostilité. En effet, son aïeul aurait été l’instigateur d’un folklore mêlant démons et malédiction.

Ce long-métrage est un film sur les regrets. Ceux de Rosa qui n’a pas su être en temps et en heure à l’écoute de celui qui lui a servi de père, et ceux de son grand-père qui se repend des actions parfois mauvaises qu’il a accomplies sans avoir réussi à les corriger ni à se faire pardonner. Rosa s’attachera alors à découvrir les tenants et aboutissants de la vie du vieil homme grâce à un journal intime et des lettres envoyées par Marcelino. Dans sa quête, elle recevra l’aide de Chico, un petit gamin du village. Au fur et à mesure de l’avancée de son enquête, elle parviendra à ramener l’harmonie à Sarronco.

Le long-métrage alterne ainsi des moments de nostalgie, lorsque par exemple Rosa retrouve sa chambre d’enfant, des scènes d’action quand elle cherche à résoudre les mystères qui entourent la fin de vie de son grand-père, et des séquences autour des relations humaines quand notre héroïne aide certains membres du village.

Le film fait se succéder les dessins 2D, lorsque Rosa est au travail dans l’environnement impersonnel du bureau, et la stop motion, dans les passages plus fantastiques ou plus oniriques, lorsque Rosa est au village. Marcelino avait façonné des statuettes en argile représentant ses proches, ainsi que lui-même sous la forme d’un taureau à six membres chevauché par sa petite fille. Ce sont ces statuettes, les démons d’argile, qui seront animées pour raconter les histoires du grand-père et de Rosa.

Celles-ci sont à la croisée de plusieurs mondes qui se confrontent : la ville et sa technologie prédominante tranchent avec le village où les femmes vont chercher l’eau à des kilomètres. L’univers du grand-père et de Rosa s’oppose à celui des villageois qui les rejettent. Quant à la réalité elle contraste forcément avec un fantastique qui s’incarne dans les rêves et les pensées de la jeune femme. Cette antinomie démontre que rien n’est monolithique ou figé et que tout peut évoluer, en particulier les sentiments. De cette expérience Rosa apprendra beaucoup et pourra alors prendre les meilleures décisions pour elle-même et son entourage.

Film dense et complexe, tant dans sa forme que par la profusion des thèmes abordés, Les démons d’argile est un superbe long-métrage d’animation qui fera réfléchir les grands enfants. La conclusion est simple :  rien n’est définitif, encore faut-il savoir et vouloir apprendre de ses erreurs et de son expérience, afin de construire son identité et de mener sa vie à bien.

Laurent Schérer