Amin est un Afghan réfugié au Danemark où il est arrivé dans les années 1990 à l’âge de 16 ans. Il souhaite se marier avec son ami Kasper (Amin est homosexuel) et mener une vie stable dans « un endroit qu’il n’est pas contraint de quitter ». En effet, chassé de son pays lors de la prise de Kaboul par les talibans, il a erré avec sa famille de nombreuses années avant de finir par pouvoir s’installer au Danemark.

Il raconte pour la première fois son périple dans ce film documentaire d’animation, et si son personnage est dessiné, c’est bien sa voix que l’on entend, enregistrée par Jonas Poher Rasmussen. Amin peut donc libérer sa parole, et raconter sans avoir à jouer son propre rôle les souffrances physiques et morales que cette situation de migrant lui a fait subir. En effet sous le joug des passeurs ou de la police, voyageant dans des conteneurs ou à fond de cale dans des conditions épouvantables qui rappellent celles de la traite des esclaves, les épreuves vécues ne peuvent que laisser de terribles stigmates dans le corps et l’esprit de tous ces enfants, femmes et hommes exilés loin de chez eux.

Cependant le film ne joue pas que sur le pathos, les faits se suffisant à eux-mêmes. Au contraire, alors que les images et les sons qui les accompagnent (portes qui claquent, police qui tambourine en hurlant, bruits de tempête la nuit enfermés dans un bateau) sont souvent terribles, la voix d’Amir est néanmoins apaisante car on sait alors qu’il a survécu à toutes ces épreuves et qu’il se prépare à une nouvelle vie auprès de son futur mari. Mais pour un Amin qui s’en est sorti sans trop de séquelles, combien de réfugiés ont pu avoir cette chance ? Surtout que les lois anti migrants se sont multipliées et encore durcies récemment sans doute en prévision des futures arrivées de migrants climatiques…

Cristal du meilleur long métrage au festival du film d’animation d’Annecy, Grand prix du jury au Sundance film festival, sélectionné à Cannes ainsi que dans de très nombreux autres festivals, Flee de Jonas Poher Rasmussen est un récit cathartique qui témoigne d’une histoire universelle car profondément humaine. Depuis quelques temps, les récits sur les conditions vécues par les migrants se sont malheureusement multipliés. Mais il ne s’agit pas d’un simple empilement car chaque histoire est unique, et est une pierre qui contribue à signaler l’ampleur du problème.

Laurent Schérer