Film drôle, agité, iconoclaste, Everything, everywhere, all at once est le nouveau long métrage des Daniels (Daniel Kwan et Daniel Scheinert), cinéastes remarqués lors de leur première coréalisation, Swiss army man. Moins potache que le précèdent, ce dernier opus garde néanmoins quelques défauts, en particulier des longueurs glissées dans les 139 mn du métrage, ainsi qu’une surabondance de références cinématographiques dont on se lasse un peu à force.

Une fois cela dit, on peut développer la liste des adjectifs mélioratifs concernant cet objet cinématographique frais et original, bienvenu pour secouer ceux qui pensent que l’ajout d’un numéro à un précédent titre est la condition sine qua non de la valeur d’un film.

Porté par une Michelle Yeoh toujours aussi dynamique, le film relate le combat d’Evelyn, une mère de famille propriétaire et gérante d’une laverie contre un être protéiforme en passe de régner sur les univers. Il ne s’agit pas ici de sauver le monde pour notre héroïne en plein burnout, ni même la galaxie mais l’univers entier et tous les univers parallèles qui s’y accolent. Excusez du peu. Le Problème avec un grand « P », car les problèmes arrivent à foison, Le Problème, donc, est que cette créature s’est incarnée dans l’univers d’Evelyn dans sa propre fille.

Au-delà de la réussite formelle de ce long métrage qui contient des scènes d’action dantesques, ce qui m’a particulièrement plu dans la dernière réalisation de Daniel Kwan et Daniel Scheinert, c’est avant tout la démonstration de la vanité de la quête du « tout, partout, tout à la fois ». Alors que nous sommes dans une société où nous réclamons l’immédiate satisfaction de nos désirs à l’image des multiples écrans qui nous entourent et nous donne la possibilité de vivre dans plusieurs virtualités simultanées, ce film nous offre finalement une réponse : celle de devoir assumer la frustration et de la nécessité du choix.

Quand on pose à Evelyn la question : « souhaites-tu venir avec moi et développer ton potentiel ou rester la misérable personne que tu es actuellement ? » Evelyn répond « Je reste ». Au-delà de l’effet comique, cette réplique montre que notre héroïne a encore la possibilité de choisir et qu’elle l’assume.

Contrairement à la créature qui règne sur le multivers et qui vit toutes les possibilités à la fois et finalement subit l’infinité de ces virtualités, (le scénario présente très bien ce concept) Evelyn reste la maitresse d’elle-même car elle peut choisir son destin. Sa capacité à aimer et à veiller sur les siens rend ainsi compte de la beauté de l’être humain.

Bref ce film n’est pas un chef d’œuvre, mais sa nature débridée lui confère une âme, qui, à n’en pas douter, touchera de nombreux spectateurs.

Laurent Schérer