Récidivant dans le genre thriller après l’excellent Seules les bêtes, Dominik Moll adapte avec La nuit du 12 une partie du livre de Pauline Guéna 18.3-une année à la PJ. Le réalisateur qui s’était fait connaitre du grand public avec le glaçant Harry, un ami qui vous veut du bien, confirme une fois encore son statut de grand réalisateur du cinéma français.

Si la mise en scène très sobre et les cadrages sont assez classiques, du fait de multiples scènes en intérieur dans les locaux de la PJ, le scénario ne l’est pas par sa conclusion. En effet, l’enquête qui nous est proposée ici, autour d’un féminicide, l’assassinat atroce d’une jeune fille par immolation, restera en suspens. Ce n’est donc pas dans la résolution d’une énigme qu’il faut chercher l’intérêt de ce film mais plutôt dans la description minutieuse de la gestion de l’enquête par la section de la PJ de Grenoble. Une enquête qui met en lumière de nombreuses questions sociétales. En effet, nous aurons selon les témoins et/ou suspects plusieurs explications au crime, depuis le « elle l’a cherché » à « c’était une fille facile », « une fille à problème » ou, comme le fait remarquer sa meilleure amie, son seul crime est d’être « une fille » dans un monde contrôlé par les désirs des hommes. Dans un monde policier plutôt masculin, nous découvrons ainsi les différences d’interprétation des faits chez les enquêteurs en fonction de leur degré de machisme et de leur ressenti personnel impacté par leur vie privée. En cela l’intrigue se rapproche de l’excellent La fille au bracelet de Stéphane Demoustier dont le procès de la suspecte était celui de ses « mœurs dissolues » plutôt que du rappel des faits.

Le film est porté par le jeu de l’excellent Bastien Bouillon qui incarne Yohan un capitaine consciencieux, peu loquace, capable autant d’enguirlander que d’aider ses subordonnés, en particulier Marceau (Bouli Lanners), dans la recherche de la vérité.

Rythmé par des plans qui rappellent la stagnation de l’enquête, dans lesquels le capitaine tourne en rond dans un vélodrome, le film s’intéresse tout particulièrement aux conditions de travail des policiers : absence de matériel et de moyens, heures supplémentaires non comptées, travail rapporté à la maison, et difficulté de maintenir la stabilité des couples des policiers mariés.

C’est en révélant au grand jour les doutes et angoisses des enquêteurs que Dominik Moll permet au spectateur de s’immiscer dans la vie de cette section de la PJ et de s’enfoncer dans le mystère qui s’épaissit. Le fait de savoir dès le départ que l’enquête n’aboutira pas renforce l’attention du spectateur qui ne peut s’empêcher de rêver d’être celui qui découvrira la vérité ou qui pourra en tout cas s’en rapprocher, se forgeant ainsi une opinion que personne ne pourra détromper.

Un grand film policier, passionnant, à découvrir en salles.

Laurent Schérer