Les films israéliens projetés en France parlent le plus souvent du conflit israélo-palestinien et de ses répercussions. Mizrahim, les oubliés de la terre promise, n’est pas de ceux-là. Ce film documentaire de Michale Boganim se concentre en effet sur la communauté juive, mettant en lumière le racisme des juifs entre eux. La réalisatrice décrit ici une société israélienne à deux vitesses, entre d’un côté les juifs ashkénazes venus d’Europe qui se considèrent comme une élite, et de l’autre les Mizrahim, les juifs venus d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, traités dès leur arrivée et après leur installation comme des citoyens de seconde zone.

Michale Boganim est la fille de Charlie Boganim, un des membres du mouvement des Black Panthers israélien qui a émergé au début des années 1970 pour dénoncer cette discrimination. Elle pensait à l’origine faire un portrait de son père et du mouvement, mais celui-ci est décédé en 2017 en cours de tournage. La réalisatrice qui voulait néanmoins lui rendre hommage a persisté dans son projet tout en le modifiant. Elle a donc axé son propos sur l’histoire des Mizrahim tout en faisant de sa fille la destinatrice du propos dans un souci de transmission d’une génération à l’autre.

Elle a parcouru Israël avec sa caméra à la recherche de témoins anciens ou récents, dessinant ainsi une carte géographique et historique de cette discrimination. En effet, « l’accueil » programmé de ces juifs d’orient a laissé des traces sur plusieurs générations. Le film se présente alors sous la forme de visites de quartiers réservés aux Mizrahim dans différentes agglomérations. Elle nous dévoile également des villes construites dès l’origine pour être peuplées par les Mizrahim, comme Sdérot, que l’on connait du fait de sa proximité avec Gaza.

La réalisatrice insiste sur le fait que contrairement à ce que beaucoup voudraient croire ou laisser croire, l’histoire n’est pas finie. « Les panthères noires ont fait voler en éclat le mythe de la terre promise » constate-t-elle. C’est pour cela que ce thème a été si peu traité et qu’il est presque inconnu en dehors des frontières de l’état hébreu. En effet,  ceux qui veulent en parler se heurtent le plus souvent à un mur…

Un document capital actuellement en salles.

Laurent Schérer