Qu’est-ce qu’un « bon film » ? Cette question traverse toute la comédie Compétition officielle des réalisateurs argentins Gaston Duprat et Mariano Cohn, dont les noms ont déjà été plusieurs fois associés, en particulier pour l’excellent Citoyen d’Honneur

Humberto Suarez, magnat de l’industrie pharmaceutique, à mille lieues du secteur artistique, souhaite laisser une autre trace de son nom après sa mort que celle d’un homme qui a fait fortune. Il demande alors à son assistant de produire un « bon film » qui restera dans les annales, ce qui, pense-t-il, lui sera permis en engageant pour cela la réalisatrice du moment et les meilleurs acteurs, réunis autour de l’adaptation l’un livre écrit par un prix Nobel. Mais cela sera-t-il suffisant pour atteindre son objectif ?

Le livre choisi pour être adapté raconte la vie de deux frères : Pedro (Ivan Torres, incarné par Oscar Martinez) et Manuel (Félix Rivero, incarné par Antonio Banderas) qui a tué ses parents suite à un accident alors qu’en état d’ivresse il les conduisait en voiture. Emprisonné pour quelques années, ce dernier se retrouve à sa sortie de prison en compétition avec son frère au sujet de la même femme, que Pedro finira par épouser.

Pour Lola Cuevas (Pénélope Cruz), la réalisatrice choisie pour cette mission, la question du « bon film » se pose aussi. Elle est reconnue comme la plus titrée des réalisatrices mais aussi comme très originale dans sa façon de procéder. Usant de méthodes particulières avec ses acteurs, réussira-t-elle le challenge ? Une tâche ardue alors que  les querelles d’ego ne tarderont pas à surgir. Les protagonistes se déchireront sur la meilleure manière de jouer pour émouvoir le spectateur. Chacun cherchera coûte que coûte à faire primer son point de vue. C’est cette relation tumultueuse qui introduira les principales péripéties du film. En effet Félix et Ivan n’auront de cesse de s’affronter, aussi bien dans le scénario que dans leur vie privée, chacun se moquant ouvertement de la carrière et de la façon de jouer de l’autre. De mon point de vue, c’est une des grandes réussites de ce film : faire porter aux acteurs le poids de la mise en abyme sans que cela paraisse forcé aux yeux du spectateur, ce dernier étant le dernier à pouvoir juger de la qualité du film. Un avis pas forcément partagé par Ivan, mais je ne m’attarderais pas là-dessus, des livres ayant déjà été écrits sur le sujet.

Porté par trois acteurs formidables avec une mention spéciale pour Pénélope Cruz en réalisatrice à poigne, Compétition officielle est une comédie qui assure à son spectateur deux heures réjouissantes tout en le faisant réfléchir sur le travail de l’acteur et les conditions de réalisation d’un film. L’objectif est atteint : n’est-ce pas finalement pas là le propre d’un « bon film » ?

Laurent Schérer