Dans Le monde d’hier, nous sommes à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle. Alors que l’extrême droite risque de l’emporter, la sortante interprétée par Léa Druker, Élisabeth de Raincy, ne se représente pas. Autour d’elle vont s’activer le secrétaire général de l’Élysée Franck L’Herbier (Denis Podalydès), le Premier ministre Didier Jansen (Benjamin Biolay) et son garde du corps et homme de confiance, Patrick (Alban Lenoir).

Cette  fiction de Diastème est imprégnée d’une atmosphère crépusculaire, quasiment de fin de règne, même si nous sommes en démocratie. Il ne s’agit pas d’un thriller politique façon Baron noir avec moult rebondissements, mais d’une crise existentielle de la démocratie représentative et de la gestion des hommes et femmes politiques qui la dirigent face à son éventuelle disparition.

La tension nait donc dans l’attente, le temps de traverser un immense couloir ou de remonter les marches d’un escalier monumental, mais aussi dans l’incertitude et dans le doute. Tout est feutré, et rares sont les altercations. Beaucoup de non-dits et d’implicite, l’important se chuchotant à l’oreille. En raison des élans populistes et des querelles internes aux partis, les électeurs se retrouvent devant un faux choix. La démocratie représentative ne joue plus son rôle : faire élire le meilleur des candidats. Devant cet état de fait, nos politiciens mis en scène dans Le monde d’hier chercheront pourtant une solution. Mais contrairement à Borgen où la présidente trouvait les ressources pour faire basculer le rapport de forces en sa faveur, on voit ici des êtres démunis et  fatigués, incapables de reprendre un combat politique qu’ils sentent perdu.

Plus que dans le livre du même nom de Stefan Zweig dans lequel l’écrivain raconte la montée des nationalismes en Europe au début du XXème siècle, il faudrait chercher l’inspiration de ce long-métrage chez Les justes où Camus s’interrogeait sur la frontière entre le bien et le mal. Ici on soupèse le pour et le contre : « tous les moyens sont-ils bons pour empêcher de donner le pouvoir à l’extrême droite ? »

Résonnant parfaitement avec l’actualité du moment, le film nous interroge sur le fonctionnement de notre système démocratique. Ne serait-il pas à bout de souffle ? Si le réalisateur ne donne pas de solution, il pose la question du « que faire ? » devant un système qui a engendré  son propre bourreau en la personne de Willem (Thierry Godard), qui en toute vraisemblance prendra la tête de l’état et obtiendra presque tous les pouvoirs. Question que ne posent pas, loin de là, certains politiques qui profitent pour l’instant du système...

Laurent Schérer