Le réalisateur sino-autrichien C.B. Yi a choisi de traiter dans son premier long-métrage de fiction Moneyboys, le sujet de la prostitution de jeunes garçons chinois. Dans les premières images du film nous découvrons un jeune homme en compagnie d’un de ses amants. Il s’agit de Fei (magnifiquement interprété par Ko Kai) qui a décidé de partir de son village pour aller à la ville, espérant ainsi aider sa famille en subvenant à ses besoins d’argent. Cette décision, qui dans un premier temps lui permettra effectivement de réaliser son objectif, va générer le rejet d’une partie de celle-ci quand il voudra retrouver les siens.

Plutôt que par les dialogues, qui vont à l’essentiel, c’est par l’image et en particulier par de nombreux plans-séquences que le réalisateur s’exprime. Ses plans sont d’une grande beauté formelle et génèrent souvent beaucoup d’émotion. Si l’on se perd parfois un peu dans le scénario ou pour différencier les personnages dont les interprètes se ressemblent par leur plastique parfaite, voire sont identiques dans le cas de Zeng Meihuizi qui joue trois rôles différents dans le film, on se laisse emporter par cette histoire d’un homme qui se sacrifie pour le bien commun et qui ne reçoit en retour que mépris. C’est à une autre échelle et dans un autre contexte l’intrigue de la nouvelle de Maupassant Boule de suif.

Mais au-delà du portrait de Fei et du thème de la prostitution, le réalisateur traite plus largement des rapports humains et du bonheur. Peut-on vivre au présent et ne pas tenir compte des événements passés dans une relation ? Ou bien ceux-ci sont-ils définitivement gravés dans le marbre et s’imposent alors prioritairement à tout ce qui peut être vécu ? Ne convient-il pas à un moment de tourner la page et d’oublier certaines choses, heureuses comme malheureuses ? La capacité de pardonner n’est-elle pas celle d’oublier ? Est-il vraiment utile de sacrifier son bonheur personnel pour les autres ? Le long métrage pose ces questions sans chercher à y répondre. Ce sera au spectateur de ce film émouvant de se forger son opinion.

Laurent Schérer