Cinq nouvelles du cerveau est un documentaire passionnant de Jean-Stéphane Bron, au croisement des neurosciences  et de l’informatique. Il synthétise en une centaine de minutes l’état des recherches sur le cerveau et l’intelligence artificielle. C’est un film dense qui convoque aussi la médecine, la psychologie, la philosophie et la politique, sans faire l’impasse d’une réflexion éthique sur les conséquences de ces recherches. Divisé en cinq actes, le film nous présente, à travers les réflexions de chercheurs, ce qu’il y a de plus pointu dans les résultats déjà obtenus en la matière.

Dès les premières images du documentaire nous sommes prévenus de l’ampleur de la tâche qui attend toute personne qui s’intéresserait à ce domaine de recherches : un cerveau humain contient soixante milliard de neurones interconnectés. Mettant au service de la vulgarisation scientifique sa maitrise de la grammaire cinématographique, Jean-Stéphane Bron met alors en scène des chercheurs qui se relèvent aux yeux de la caméra tantôt comme des apprentis sorciers, tantôt comme des docteurs Frankenstein, Tournesol ou savant Cosinus, voire se comportent en démiurges. Aude Billard, Niels Birbaumer, Christof Koch, Alexandre Pouget et son fils Adrien, Christof Koch, David Rudrauf, et Serge Tisseron se passionnent ainsi pour les principes qui organisent le cerveau, à la conscience humaine versus la conscience artificielle, à l’apprentissage humain comparé à celui de la machine.

Tout cela se fait dans le but louable d’aider en particulier les personnes paralysées dont certaines peuvent d’ores et déjà utiliser des prototypes de machines qui obéissent à la pensée (non ce n’est plus de la science-fiction). Mais beaucoup s’inquiètent d’une dérive possible de cette utilisation dans d’autres domaines, militaire en particulier. En effet, au fur et à mesure des découvertes des mécanismes du cerveau, certains s’empressent de les reproduire de façon artificielle. On pourrait dès aujourd’hui contrôler une personne par stimulation de certaines zones sensibles, ce qui fait dire à l’un des chercheurs que : « les effets de la stimulation cérébrale, de la neuro-technologie, pourraient être plus dévastateurs que ceux de la bombe atomique ».

Heureusement nous n’en sommes qu’au début, car l’apprentissage des machines est encore une partie presque insurmontable. Si l’on parvient à fabriquer des programmes pour donner aux machines des tâches spécifiques, le « savoir général » est quasiment intraduisible en mathématique. Et pour fonctionner la machine a besoin de beaucoup d’énergie, alors que le cerveau humain ne consomme que l’équivalent de 20 watts pour des tâches équivalentes.

Mais quand ces obstacles auront été franchis il faudra garder en tête que si on dote les machines de capacité d’apprentissage on ne pourra pas les empêcher d’apprendre ce qu’elles veulent. On ouvre alors une boite de Pandore. Construire des créatures plus intelligentes que nous comporte des risques, et il serait bon d’y réfléchir. Ce film participe à cette réflexion.

Laurent Schérer