Sentinelle sud de Mathieu Gérault est un thriller militaire. Militaire parce que les personnages principaux sont des soldats de l’armée française de retour d’Afghanistan,

thriller parce que le scénario et l’intrigue de même que  la sécheresse de l’action et le rythme contribuent à produire un film à suspense.

De retour en métropole, Christian Lafayette, (Niels Schneider) n’est visiblement pas à l’aise chez les « civils ». Il boit, se bat et finit par se retrouver au tribunal.  Une adaptation difficile liée à un malaise plus profond. En effet, on apprend assez vite que beaucoup de ses camarades ont été tués ou gravement blessés au combat lors d’une embuscade. Christian pressent que tout n’est pas clair dans les raisons de celle-ci. De plus il apprend que son meilleur pote était lié à un trafic d’opium et devait en rapporter à la fin de sa mission. Il mène l’enquête et petit à petit les pièces du puzzle se mettent en place.

Si le film est captivant à plus d’un titre, c’est grâce à la prestation accomplie de Niels Schneider qui fait de ce garçon à fleur de peau un personnage attachant et sensible, un homme qui, parce qu’il a été un orphelin et trainé de famille d’accueil en foyers, attache beaucoup d’importance à la famille que constituent pour lui les forces armées. Certains joueront sur cette corde sensible pour le manipuler. Son amitié, son dévouement et son obéissance dans l’intérêt de la « famille » se retourneront alors contre lui, complexifiant le scénario sans l’alourdir.

Comme tous les grands thrillers, Sentinelle sud s’appuie sur un script ciselé et une mise en scène efficace. Aucun plan surnuméraire, tout ce qui est inutile est élagué. Un des meilleurs exemples serait le moment où Christian passe devant une commission d’enquête qui doit faire la lumière sur l’embuscade. On voit Christian dans son uniforme impeccable alors que résonne la bande-son de l’embuscade. On comprend alors comment Christian a vécu la tragédie et pourquoi il lui sera difficile de répondre à certaines des questions. Ce décalage entre le son remémoré et la situation présente souligne le fossé qui peut exister entre un engagement confus sur un terrain de guerre et le présent où tout devient clinique. Des images en flash-back auraient inutilement alourdi le propos, créant une distance par rapport au ressenti du personnage principal face à ses « interrogateurs ».

Troisième atout, le film se penche sur un sujet beaucoup traité par le cinéma américain mais peu par le cinéma français : celui du retour des soldats à la vie civile qui peuvent souffrir d’un stress post-traumatique s’ajoutant au décalage perçu par les ex-combattants face à la société. Mathieu Gérault nous présente ici un soldat en proie au doute, sans repères, sans attaches, qui refuse de s’investir dans autre chose que dans le souvenir de ses camarades tués au combat. Son appartement est ainsi désespérément vide.  De même, dans le travail qu’on lui a fourni comme magasinier, il ne cesse de reproduire des gestes qu’il a intériorisés à la caserne : nettoyer méthodiquement le sol, ranger des bocaux en un alignement impeccable... Par le biais de ce personnage qui oscille entre un désir d’enfance jamais réalisé, on le voit jouer au cerf-volant, et une vie d’adulte construite dans la violence, le réalisateur nous donne à voir un être complexe à qui il sera offert, s’il la saisit, la possibilité d’une rédemption.

Au final Sentinelle sud et un excellent film à découvrir en salles.

Laurent Schérer