Premier long métrage de la réalisatrice franco-chinoise Yé Yé, le documentaire H6 nous entraine au sein de l’hôpital numéro 6 de Shanghai.  Durant 4 mois, Yé Yé a suivi, armée de sa caméra, des patients entourés par leur famille dont la maladie ou l’accident a bouleversé la vie. Défilent alors sur l’écran, une femme à l’agonie, un tétraplégique, une petite fille renversée par un bus, un homme avec le genou en vrac, une jeune fille accidentée...

Rien de très gai a priori. Pour autant ce documentaire est passionnant par ce qu’il dit de la société chinoise. En effet la réalisatrice nous décrit en immersion et avec une grande humanité, sans faire appel à de quelconques commentaires en voix off, un système nullement communiste où l’argent est roi. Pour de meilleurs soins, il faut avant tout payer : que ce soit une « aide-soignante » privée  dont on ne sait pas si elle soulage vraiment ses clients, le coiffeur « du secteur tertiaire » ou bien encore le chirurgien qui ne tentera l’opération de la dernière chance  que pour des sommes exorbitantes. L’alternative est alors une sorte de rebouteux peut-être efficace dans sa pratique mais en tout cas expéditif dans ses méthodes et dont le credo est « je ne vous oblige pas, payez le chirurgien si vous préférez ». Mais quand on vient de la campagne et que l’on n’a pas d’argent, a-t-on vraiment le choix ?

Passant dans son découpage de visages en gros plans trahissant la souffrance ou l’inquiétude à des plans d’ensemble de l’hôpital qui le rendent semblable à une usine, ce documentaire  nous fait prendre conscience des différences d’échelles dans la pratique de la médecine de la première puissance économique mondiale.  Préparation de médicaments et de perfusions à la chaine avec des procédés qui feraient bondir n’importe quel hygiéniste en France, images de salles d’attente que l’on croiraient extraites de reportages de halls d’embarquement lors d’une grève des contrôleurs aériens, tout semble démesuré. Une dilatation des espaces qui se retrouve également dans l’origine des patients. On pense à ces villageois qui ne pourront pas trouver assez d’argent pour les soins après avoir entrepris un périple de plusieurs jours pour se rendre à l’hôpital alors que les citadins auront plus de latitude quand il s’agira de faire un choix pour leur santé grâce à un niveau de vie supérieur.

Heureusement certaines personnalités égayent un peu le film, que ce soit le père de la jeune fille accidentée qui chante malgré la perte de sa femme ou bien cet homme qui pratique une gymnastique quotidienne avant de travailler. Dans son premier long métrage, Yé Yé a su relater sans faire de compromis et sans tomber dans le misérabilisme une situation dans laquelle l’humain ne résiste que par l’attachement aux liens familiaux et la tendresse que certains accordent à leurs proches malgré le peu de temps accordé pour les visites.

Au final ce documentaire montre que de toute évidence le dicton « il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade » s’applique parfaitement à la Chine contemporaine.

Laurent Schérer