Kavich Neang fait partie de cette jeune génération de cinéastes cambodgiens propulsés par le producteur Davy Chou qui nous avait séduit il y a cinq ans en signant en tant que réalisateur l’excellent Diamond Island.

C’est ainsi que nous pouvons découvrir aujourd’hui White Building de Kavich Neang. Le réalisateur nous dévoile ici dans son premier long métrage de fiction une société en pleine évolution où l’ancienne génération n’est pas prête à renoncer à ses traditions alors que la nouvelle se demande quel sera son avenir. Les anciens semblent dépassés par la transformation de la société tandis que les plus jeunes s’interrogent sur la vie qu’ils vont mener, leurs aspirations et leurs désirs.

Cette transformation est symbolisée par l’évacuation d’une barre d’immeuble de Phnom Penh, le « White building » prévue il y a 60 ans pour le logement des fonctionnaires du ministère de la Culture. Sa destruction est rendue nécessaire à cause de son mauvais état lié à un défaut d’entretien. Mais la disparation du  « White building » a été surtout décidée en vue de la construction d’un projet immobilier flambant neuf dont la conséquence est l’expulsion de ses habitants qui recevront en échange des indemnités insuffisantes pour pouvoir se reloger en ville.

Ancien résident du « White Building » durant son enfance avec sa famille, le réalisateur s’attache ici à la description de la vie de certains de ses habitants. Défile devant la caméra un ancien sculpteur diabétique, le chef de la résidence (Sithan Hout) et sa famille. Nous suivons de près ses enfants, Samnang (Piseth Chhun) et sa sœur qui cherchent l’un et l’autre leur place dans la société. Concernant Samnang, celui-ci a deux amis avec lesquels il partage une passion pour la danse hip-hop, la nourriture et bien sûr les filles.

Par le biais de la fiction, le réalisateur critique en filigrane  une société où l’argent est une valeur première, pour se loger d’abord dans une ville en pleine gentrification et dont la reconstruction se fait à marche forcée, mais aussi pour draguer, les jeunes se prenant un râteau parce que « leur moto est pourrie ». Faute de cohésion sociale,  les habitants de la résidence ne s’entendent même pas pour résister aux promoteurs tandis que le système de soins n’est efficace que pour ceux qui peuvent payer.

Bref, le réalisateur nous offre le tableau d’une société où l’évolution trop rapide du mode de vie provoque des fissures, voire des cassures, que la nouvelle génération n’arrivera pas toujours à colmater. Cependant, le réalisateur laisse des indices à la fois d’une transmission possible du savoir et aussi d’un espoir dans l’avenir, faisant confiance à la jeunesse et à son envie de vivre selon ses goûts.

Laurent Schérer