S’appuyant sur le journal du mathématicien Stan Ulam, édité dans un livre éponyme, Les aventures d’un mathématicien du cinéaste Thorsten Klein est un biopic qui narre les conditions de la découverte par les Américains de la bombe A puis H. Si nous connaissons le projet Manhattan et le père de la bombe H Oppenheimer, autour duquel gravitait une équipe de scientifiques sur la base militaire secrète de Los Alamos, notre culture dans ce domaine ne va en général pas beaucoup plus loin. Les aventures d’un mathématicien est donc un film précieux pour ceux qui s’intéressent à cette période de l’Histoire.

Contrairement à ce que pourrait laisser penser son titre, le film ne transforme pas cette découverte en épopée. En effet, celui-ci montre la banalité de ces hommes de science, jeunes immigrés juifs européens pour beaucoup, qui sont sujet comme tout un chacun a des tiraillements entre leur envie de vivre leur passion, leurs soucis amoureux ou familiaux souvent liés à la conjoncture internationale, et leur réflexion sur la finalité de leurs travaux.

Porté par la très bonne interprétation d’acteurs peu connus en France, exceptée Esther Garrel qui joue Françoise, la femme française de Stan, le film nous donne à voir un quotidien dans lequel il n’y a finalement rien d’immédiatement exaltant. Même lorsque les enjeux politico-stratégiques sont mis en évidence sur la table par le biais de la maxime « il faut acquérir la bombe avant Hitler », ces scientifiques sont encore et toujours entachés de doutes quant à l’efficacité de la dissuasion nucléaire. Certains pressentent  déjà que « la bombe atomique rend le monde plus sûr » sera à l’avenir une affirmation sujette à caution.

Par ailleurs, le réalisateur nous laisse percevoir en Stan Ulam un homme fragile, traumatisé par la mort de sa famille en Pologne ainsi que par le largage des deux bombes nucléaires sur le Japon. Cet homme va chercher à résoudre ses problèmes, existentiels, domestiques ou intellectuels au fur et à mesure qu’ils apparaissent sans toujours leur apporter de solution satisfaisante. Ce film est très certainement un reflet fidèle du journal d’Ulam. On ressent en effet à l’image, cette écriture liée au quotidien typique du journal intime où le narrateur est dans l’impossibilité de connaître la suite de l’Histoire.

Parce que les questions soulevées dans ce film font écho à certains problèmes de notre société contemporaine, cette mise en images du journal de l’un des pères de la bombe atomique vaut la peine d’être regardée en salles.

Laurent Schérer