Porté par une Anaïs Demoustier au meilleur de sa forme, Les amours d’AnaÏs est un film solaire, drôle et tendre à la fois, qui met en scène Anaïs, une jeune femme volontaire qui revendique une totale liberté dans ses actions et en particulier dans la gestion de sa vie sentimentale.

Elle est tantôt bulldozer, traçant sa voie à toute vitesse au point où l’on se demande si elle court parce qu’elle est en retard ou si elle est en retard parce qu’elle s’agite beaucoup, tantôt tracteur, labourant le champ des sentiments pour semer les graines de l’amour qui, espère-t-elle, germeront dans le cœur de ses conquêtes. Faisant fi des conventions, elle n’aime pas dormir à deux dans un lit et ment comme un arracheur de dents quand cela l’arrange. Mais Anaïs est loin d’être un personnage caricatural, la primo-réalisatrice Charline Bourgeois-Tacquet lui donne en effet de l’épaisseur, ne serait-ce que par la relation qu’Anaïs entretient avec sa famille, en particulier sa mère en rechute après un cancer.

Elle a une relation avec Daniel (Denis Podalydès), un éditeur qu’elle rencontre à une fête. Mais elle tombe sous le charme des écrits de la femme de celui-ci, Émilie (Valéria Bruni-Tedeschi), une écrivaine de renom. Anaïs, pourtant censée partir à Rouen pour un travail alimentaire en attendant de finaliser une thèse sur la passion au XVIIème siècle, (pour)suit alors Émilie en Bretagne, où l’écrivaine participe à un colloque littéraire. Si le vaudeville s’immisce dans le récit à ce moment-là, la réalisatrice a le bon goût de ne pas s’appesantir sur cette situation, préférant, et c’est tant mieux, traiter plus en profondeur la relation entre les deux femmes. Magnifiquement mis en lumière par Noé Bach, les paysages bretons et le château de Kerduel où se situe le colloque seront un terrain pour l’expression de cette passion. Une semaine sensuelle mais aussi littéraire vécue comme une parenthèse enchantée par Anaïs qui s’épanouira dans une relation intense, décrite par la réalisatrice avec une très grande sensibilité, malgré la différence d’âge qui sépare les deux amantes.

Avec ce très beau portrait de femme, Charline Bourgeois-Tacquet signe une formidable comédie loin d’être légère, car elle explore au contraire avec profondeur l’étendue des sentiments. Une réalisatrice à suivre.

Laurent Schérer