Mina Eghbali est une femme iranienne qui travaille dans une usine d’embouteillage de lait. Elle élève seule sa fille Bita depuis un an, après que son mari Babak a été exécuté. Quand elle apprend que son époux a été condamné sur la foi de faux témoignages, elle souhaite que le juge qui a condamné son mari à la peine capitale prodigue devant elle ses excuses et lui demande son pardon.

Le Pardon de  Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha s’attache au parcours de cette femme qui va devoir face aux réactions des trop nombreux  systèmes qui régissent sa vie en Iran. Les réalisateurs évoquent ainsi le pouvoir judiciaire en raison de la mort de son mari, le cercle familial par le biais de son  beau-père souhaitant lui retirer la garde de sa fille, le milieu éducatif ou celui du travail. Enfin, ce long-métrage met en lumière le poids de la religion au sein de la théocratie iranienne où tout semble explicable grâce à la maxime « si cela se passe ainsi c’est que c’est la volonté de Dieu ».

À travers le parcours de Mina pour la réhabilitation de sa famille, les réalisateurs nous offrent une critique de la société iranienne, en particulier dans le peu de place laissé aux femmes, montrant les travers d’une société qui fonctionne mal, sans tomber pour cela dans la caricature.

Mais ce film ne peut être limité à sa dimension sociétale car il s’intéresse également à la place du mensonge et à ses conséquences. En effet, si la cause principale qui a déclenché la suite d’événements racontée dans le film est liée à des faux témoignages, on se rend compte rapidement que tout le monde a des mensonges à gérer :  la mère cache la vraie situation de Babak à sa fille, lui faisant croire qu’il est seulement parti au loin, elle ment aussi à l’institutrice qui l’a convoquée, le juge ment à Mina, le beau-frère ment sur ses véritables intentions et celles de son père etc.

Les réalisateurs font preuve à ce sujet d’une grande maitrise du cadrage. En effet, ils laissent à plusieurs reprises l’action se dérouler hors champ alors que la caméra se pose sur le protagoniste principal, le spectateur est alors conduit à deviner ce qu’il se passe par les réactions visibles sur la figure des acteurs. Ce parti pris permet de donner une relative ambiance de mystère au déroulé des événements, et surtout de montrer symboliquement l’importance du discours (par la parole ou l’expression des sentiments) chez les différents protagonistes. Le spectateur est en quelque sorte à la merci de leur volonté de dire ou de cacher les événements dont ils sont les témoins directs.

Tous ces mensonges ont des conséquences, en particulier pour Bita, mise en porte à faux dans son école où les autres élèves lui disent la vérité sur le sort de son père. La situation de Mina deviendra alors de plus en plus inconfortable, le pardon devenant plus difficile à obtenir et à accorder. Cependant, et c’est la grande leçon du film, c’est justement par le pardon et l’arrêt des mensonges que la situation Mina et Bita pourra, non pas devenir rose, mais devenir plus saine et permettre un nouveau départ.

Le pardon est donc un film sensible, qui met en avant des personnages complexes et attachants, et où tout se noue par petites touches. À découvrir actuellement au cinéma.

Laurent Schérer