Réalisé en 2010 mais sorti seulement maintenant en France, Hospitalité du cinéaste japonais Koji Fukada est un film difficilement classable : il s’agit en effet d’une sorte de fable philosophique qui traite sur le mode comique des relations familiales tout en proposant une critique sociale aiguisée. Vous êtes perdus ? Ce n’est pas grave, vous ne faites que vous retrouver dans l’état de certains des personnages du film, ceux qui constituent la famille Kobayachi. Mikio, le père (Kenji Yamauchi) est propriétaire d’une imprimerie qu’il gère avec Natsuki (Kiki Sugino), sa très jeune deuxième femme. Il a une petite fille d’un premier mariage, Eriko. À ce ce trio vient s’ajouter la sœur de Mikio, Seiko (Kumi Hyodo), revenue dans la maison familiale après deux ans d’absence.

L’intrigue commence par la recherche de la perruche d’Eriko qui s’est envolée afin de reprendre sa liberté. La petite fille décide alors d’apposer un message sur le panneau d’affichage du quartier pour solliciter l’attention des habitants. C’est à ce moment qu’ intervient Kagawa (Kanji Furutachi), un étrange personnage qui chamboulera la vie de cette famille.

Hospitalité traite du mensonge. D’autres thématiques telles que le soupçon et la surveillance sont également mis en lumière par Koji Fukada. Ainsi, la recherche de la perruche participe à une double métaphore.

D’une part, on cherche, on regarde à travers de jumelles, on espionne, on fouille. L’être humain surveille l’autre en permanence afin de garder ou de prendre le contrôle. La recherche  du volatile permettra une quête de la vérité sur des relations intra familiales fondées sur des non-dits que le nouveau venu Kagawa cherchera à tirer au clair par des méthodes très personnelles.

D’autre part ce film revêt aussi une dimension sociale car il traite de l’étranger (que l’on doit surveiller) et de l’immigration. Fukada opère subtilement quand il fait comprendre à son spectateur que le « danger » ne vient pas du dehors, mais de l’hypocrisie d’une société dans laquelle on ne s’inquiète pas du mensonge quand il s’agit de ne pas faire de vagues. La famille Kobayashi devient une représentation de la société japonaise où tout ce qui sort de l’ordinaire dérange. L’exiguïté de l’imprimerie représente alors la rigidité d’un pays dans laquelle chacun doit rester à sa place. L’oiseau semble ici le représentant de ceux qui bougent et dérangent et qu’il faut remettre en cage.

Empêtré dans ses contradictions, subtilement manipulé par Kagawa, Mikio se retrouvera dans une situation ubuesque dans laquelle il entrainera toute sa famille.

Un film très riche dans ses thématiques et qui passe agréablement grâce à son humour. Du grand art.

Laurent Schérer