Aficionados de la série B, je vous propose aujourd’hui de revenir sur un classique des vidéoclubs des années 80 avec le Hidden de Jack Sholder. Un sympathique divertissement signé par un solide artisan du cinéma américain qui aura commencé sa carrière comme monteur au sein de New Line Cinéma. Si cette société de production est connue pour avoir produit Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson, elle n'était pas vraiment un mastodonte du cinéma américain lors de sa création. Fondée par Robert Shaye en 1987, New Line a commencé en distribuant des longs-métrage dans les universités. La firme s’occupait alors de la diffusion des films de George A. Romero ou de John Waters, tout en faisant connaître le cinéma européen de l’autre côté de l’Atlantique. Pendant de nombreuses années, Jack Sholder fut le monteur des bandes-annonces des films que distribuait New Line. Grâce à sa table de montage, il devait parvenir à donner envie à un public universitaire de regarder des oeuvres comme Evil Dead de Sam Raimi ou Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier.

À l’aube des années 80, Robert Shaye se lance dans la production suite aux succès au box-office des films d’horreur qu’il distribue. Le patron de New Line a parfaitement compris que le cinéma d’épouvante n’est pas forcement cher à produire et qu’il peut rapporter beaucoup d’argent. Il fait appel à Sholder dont il connaît le sens visuel grâce à son travail de monteur. Celui-ci signe avec Dément (Alone in the Dark) son premier film. Une oeuvre horrifique plutôt originale mêlant boogeyman (figure du croquemitaine) à la Vendredi 13, satire sociale et thriller. Malgré un casting percutant où l’on retrouve Martin Landau, Jack Palance et Donald Pleasence, c’est un échec en salles. Il faudra attendre Les Griffes de la nuit de Wes Craven, deux ans plus tard, pour que New Line connaisse le succès. Robert Shaye fait alors de nouveau appel à lui quand Craven refuse de tourner la suite des Griffes de la nuit. Dans un premier temps, il éconduit New Line car il ne veut pas être considéré comme un metteur en scène spécialisé dans l’horreur. Mais son agent finit par le convaincre en lui disant qu’il pourra profiter du succès prévisible de La Revanche de Freddy pour tourner des films plus personnels. Malgré une réception publique pas forcément flatteuse, les bons chiffres au box-office du second Freddy lui permettent de tourner Hidden qui est censé être le premier film d’action produit par New Line !

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Sholder dit avoir été marqué par sa rencontre avec Martin Landau sur Dément. L’acteur l’avait invité pour venir observer ses cours lorsqu’il était professeur à l'Actors Studio. Cette expérience fut essentielle pour le cinéaste qui accorda par la suite une attention particulière à sa direction d’acteurs, mais aussi au choix de ses interprètes. Concernant Hidden, Sholder a eu le nez fin en engageant Michael Nouri et Kyle MacLachlan pour former son duo de flics faisant face à un parasite de l’espace qui prend possession des habitants de la Terre. Le premier est un bon acteur apparu dans Flashdance et dans divers feuilletons, il interprète son personnage de flic avec une certaine retenue, sans jouer les gros bras comme les stars d’action de l’époque. Son personnage assez terre à terre permet surtout au spectateur de petit à petit s’acclimater avec les éléments liés à la science-fiction. Quant à Kyle MacLachlan, il est juste parfait. Lynch l’a compris quand il l'a choisi pour Dune alors que c’était un inconnu. L’acteur arrive à rendre tangible n’importe quelle situation grâce à la finesse de son jeu et son physique qui rappelle les comédiens du cinéma classique. C’est un immense acteur trop longtemps sous-estimé par le cinéma américain qui a eu tendance à lui donner des rôles d’asexués à cause de sa beauté androgyne, alors qu’il suffit de le voir revêtir le complet de l’agent Cooper dans Twin Peaks, pour comprendre l’étendue de son talent. Dans Hidden, son personnage d’extraterrestre perdu sur Terre n’est jamais niais, car l'acteur arrive à nous faire ressentir à l’écran un savant mélange d’innocence et de violence contenue.

Hidden reprend le concept du "buddy movie" popularisé par 48 heures. Un genre où l’on confronte deux personnalités opposées. Ici, le flic intègre habitant dans un petit pavillon de banlieue, et un agent du FBI qui s’avère être un gentil extraterrestre se déplaçant dans une Porsche volée. Le script signé par Jim Kouf aurait pu donner un gros film de bourrin en raison du pédigree de son scénariste qui s’est fait connaître avec Rush Hour ou Les ailes de l’enfer (en tant que producteur). Heureusement, à l’annonce de l’engagement de Sholder, Kouf quitte le projet car il n'a pas été choisi comme réalisateur. Amoureux du cinéma d'auteur, Sholder va alors modifier le script original et faire du film une satire de son pays.

En apparence Hidden est une série B pleine de testostérone, enchainant les scènes d’action sans temps morts où le cinéaste se montre particulièrement doué pour mettre en scène les poursuites automobiles. On ne s’ennuie jamais avec nos deux héros qui traquent un méchant parasite venu de l'espace. Une créature à la The Thing qui prend possession de l'enveloppe corporelle d'un retraité, un chien, une stripteaseuse et même d'un futur candidat à la présidentielle. Sholder qui s’est toujours présenté comme un amoureux du cinéma européen, nous propose ici en filigrane un miroir déformant des USA reaganiennes. Le méchant parasite extraterrestre veut avant tout profiter du rêve américain. Les bagnoles, le fric et les filles sont les oripeaux d'un pays vu comme un nouveau Far West où l’homme est un consommateur qui est prêt à tout pour posséder.

Au final, Hidden est un solide divertissement du samedi soir porté par un excellent casting. Une série B qui nous offre un instantané des USA des années 80 que je vous recommande chaudement.

Mad Will