Passionnant, tel est l’adjectif qui caractérise le mieux le film documentaire d’Ulrike Ottinger, Paris Calligrammes qui a reçu de nombreuses récompenses, dont le prix du public à Montréal, le Bundesfilmpreis, le prix de la critique cinématographique allemande et le prix Camera de la Berlinale 2020.

Artiste plasticienne et réalisatrice, figure artistique de premier plan de l'avant-garde allemande, Ulrike Ottinger a vécu à Paris entre 1962 et 1969. C’est cette période de sa vie qu’elle retrace dans son film, nous offrant à la fois son portrait et celui du Paris des années 1960.

Citant Les enfants du paradis, une de ses premières découvertes cinématographiques à Constance où elle a passé son enfance, Ulrike Ottinger dit de la capitale qu’elle offre « un spectacle pour ceux qui n’ont pas les yeux dans leur poche ». Cette citation pourrait aussi s’appliquer à ce film qui ressemble à sa réalisatrice qui s’intéresse à tout depuis toujours. Cette curiosité lui aura ainsi permis  de côtoyer de très nombreux artistes et personnalités dont certains l’influenceront, au premier rang desquelles Fritz Picard, juif allemand exilé, gérant de la librairie « Calligrammes » de la Rue du Dragon au cœur du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Un lieu unique où se pressaient de nombreuses figures du monde des arts, comme l’atteste le livre d’or de sa boutique.

Dès les premières images du film on est happé par son rythme parfois enlevé au son d’une musique jazzy, parfois apaisé mais toujours entrainant. Découpé en chapitres, le déroulé du documentaire suit un ordre qui semble à la fois chronologique et thématique permettant à l’esprit d’apprécier pleinement le regard qu’Ulrike Ottinger porte sur Paris et sa culture.

Illustré par de nombreux documents de L’INA, accompagné d’une voix off idéalement lue par la voix de Fanny Ardant,  Paris Calligrammes est un film qui donne envie de mieux découvrir cette artiste trop peu connue en France. Comme le disait Claude Levi-Strauss cité dans le film, « Pour connaître et comprendre sa propre culture, il faut apprendre à la considérer du point de vue d’une autre culture » C’est ce à quoi la réalisatrice nous invite tout au long de ce merveilleux film.

Laurent Schérer