Après Fuocoammare, (ours d’or à Berlin) dans lequel il s’intéressait aux réfugiés sur l’île de Lampedusa, Gianfranco Rosi signe un nouveau documentaire encore plus sombre, Notturno. Pour ce nouveau film, le réalisateur américano-italien est parti durant trois années capter avec sa caméra des images terribles des séquelles des guerres qui se sont succédées aux frontières de l’Irak, de la Syrie et du Liban. Il y relate la vie quotidienne de la population locale durant ces années de conflits. Issues des conséquences directes des erreurs politiques, stratégiques et militaires des pays régionaux et bien au-delà, les images de ce documentaire nous hanteront encore longtemps. Cependant, Notturno n’est pas un film politique. Rosi ne s’intéresse pas aux pouvoirs, qu’ils soient politiques, économiques, militaires ou religieux. Il ne cherche pas non plus  à décrire une société dans sa complexité, ni à comprendre les causes de la guerre dans ces territoires.

Il fixe simplement un terrifiant état des lieux. Ici point de combats, de bruit et de fureur ni de soldats héroïques, la guerre s’entend simplement par-delà l’horizon. Pour autant l’horreur est bel et bien là, à travers la parole donnée aux victimes, le plus souvent femmes et enfants qui ont subi à divers titres le cauchemar de la guerre. Rosi les filme ici dans leur quotidien, vaquant à leurs occupations, et brutalement la parole jaillit, rappelant ce que ces personnes ont vécu. Pas de voix off, pas de commentaires inutiles. La brutalité et les difficultés liées à la remontée des souvenirs suffisent ici à exprimer les blessures et traumatismes qui perdureront longtemps sans doute dans la vie de ces êtres humains.

Mais paradoxalement, Notturno nous offre une lueur d’espoir, que ce soit à travers les récits en dessin des enfants victimes de sévices, ou par le truchement de la mise en scène, par une troupe constituée de patients d’un hôpital psychiatrique, de l’histoire de leur pays. Rosi nous offre donc  la possibilité d’une rémission par la parole. Le film s’inscrit alors dans ce processus d’un chemin potentiel vers la paix sociale et la guérison des âmes.

Au sortir de ce documentaire, nous avons une seule question à nous poser : quand cesserons-nous de faire la guerre ?

Laurent Schérer