Les cinéastes français Diane Sara Bouzgarrou et Thomas Jenkoe posent leur caméra aux États-Unis, dans les monts des Appalaches, et font le portrait réaliste et poétique d’une famille de « péquenauds » (hillbilly), dont le père, Brian Ritchie, est au centre.

The Last Hillbilly est un documentaire contemplatif, qui se regarde et s’écoute avec la même attention. L’image est principalement guidée par la voix-off de Brian, dernier témoin d’un monde qui disparaît. Ce monde, c’est celui de l’Amérique rurale en proie au déclin économique, bien loin des années 1930 à l’époque où certains ont fait fortune grâce aux mines de charbon. Désormais, cette terre est peuplée d’hillbillies, que l’on pourrait en français traduire littéralement par « péquenauds des collines ». Au travers du regard de Brian, le spectateur découvre le vrai Kentucky, cette zone rurale reculée où règnent un fort désir d’indépendance et une crainte envers l’extérieur.

Brian s’empare de ce terme péjoratif pour le faire sien, interrogeant les stéréotypes pour mieux les détourner et déconstruire les préjugés. « Tout le monde sait que nous sommes ignorants, pauvres, violents, racistes, consanguins. Tout ça est vrai. Que nous sommes responsables de l’élection de Trump et tout ce merdier. Selon les infos, en tout cas », dit-il. Il se retrouve avec amertume au sein d’une société qu’il ne reconnaît plus, témoigne de sa difficulté de comprendre ce qu’est devenue sa région, dans un discours à la fois politique et élégiaque. Une intimité s’est vite créée entre Brian et les réalisateurs, et cette proximité lui permet de s’exprimer et de se livrer sans trop de retenue, pour créer avec le spectateur une certaine familiarité.

Sa voix calme est apaisante, émouvante et captivante. Brian s’enregistrait lorsque l’inspiration lui venait, ce qui témoigne d’une recherche d’authenticité et de spontanéité. Il devient alors un personnage cinématographique au charisme fort, un homme complexe à la psychologie profonde.

Petit à petit, Brian s’efface pour laisser place à sa famille. Les enfants sont alors les principaux protagonistes de la troisième partie, « Land of Tomorrow », sorte d’épilogue poétique marqué par l’espoir et la candeur. Les voici tous réunis autour d’un feu de camp, ils écoutent les effusions lyriques de Brian, qui délire sur le présent et regrette le passé, le réel se délitant autour de lui.

Cette immersion au sein d’une subjectivité se fait également par l’image. Le film est tourné dans un format carré, ce qui permet de se concentrer sur le personnage et ouvrir son paysage intérieur, et de laisser deviner le vaste paysage américain qui se dessine, avec sa nature sauvage et désertique. La conscience du spectateur prolonge la vision de Brian au-delà du cadre, guidée par ses émotions, ses impressions et son témoignage, dans un mélange entre introspection et observation.

Un film qui réussit à capter la simplicité d’un monde sur le déclin, au travers d’un regard lumineux, poétique et réaliste qu’est celui de Brian. À voir au cinéma, pour la beauté de son image et de son discours.

Camille Villemin