À ma place est un film documentaire de Jeanne Dressen, qui suit sur deux années à partir d’avril 2016 le parcours de Savannah, une jeune femme de 25 ans que l’on découvre dès les origines du mouvement « Nuit Debout ».

Ce film militant présente la trajectoire d’une personne qui saisit l’occasion de ce mouvement pour s’exprimer. En filmant son engagement, la réalisatrice nous expose d’une part la complexité d’inventer une démocratie directe, et d’autre part la pression du pouvoir à l’encontre de ceux qui osent douter de la légitimité de l’ordre établi. Cette pression peut être brutale et directe avec un « usage disproportionné de la force » par la police, mais aussi plus insidieuse quand Savannah témoigne de la manière qu’à la société de décourager ceux qui veulent s’élever hors de leur classe, révélant ainsi le leurre de l’ascenseur social. Le film est l’expression d’une colère, celle de Savanah, quand elle fait part de sa prise de conscience d’une société répressive à l’encontre de ceux qui ne rentrent pas dans les moules préexistants, laissant perdurer un certain déterminisme social.

À ma place revêt alors une double signification : celle positive de la recherche d’une place dans la société par une jeune femme encore remplie d’interrogations et d’espoir quant à son avenir, et celle négative quand elle se sent mal à l’aise dans un milieu qui n’est pas celui de sa classe sociale d’origine.

De la même façon que Savannah s’adressait à ceux qui étaient présents place de la République, À ma place s’adresse à tous ceux qui font usage de leur capacité à réfléchir et refusent d’être des moutons de Panurge.

Ce documentaire est aussi le portrait d’une jeune femme, dont les images nous font partager tout autant les moments de militance place de la République, que de vie (révisions d’examens, repas en famille). Ce film nous dévoile alors la difficulté de coupler une vie militante et une vie d’études. Ainsi, À ma place raconte un destin individuel, qui se glisse dans les mouvements de l'histoire collective.

Au final, ce film n’a rien perdu de son actualité, tant par son côté parcours militant qui pourra éclairer les spectateurs, que par la dénonciation des violences policières devenues depuis plus présentes encore. Dépassant l’étude purement sociologique, À ma place est un long-métrage utile à tous ceux qui s’intéressent au devenir et à la transformation de notre société.

Laurent Schérer.