Avec La BM du Seigneur et Mange tes morts, tu ne diras point, deux films tournés chez les Yéniches avec la famille Dorkel, le réalisateur Jean-Charles Hue nous a habitués à un cinéma cash, très proche du réel, mêlant religion et superstition, dans lequel les personnages sont à la recherche d’une rédemption. Tourné au Mexique, dans la Zona Norte, lieu de tous les trafics, Tijuana Bible ne fait pas exception à cette règle. Nick, vétéran américain accro à la dope échoué à Tijuana, croise la route d’Ana qui cherche son frère, un ancien Marine qui a disparu. Le réalisateur, par un scénario très bien écrit, suit le périple de ces enquêteurs incongrus qui remonteront, malgré l’opposition de la pègre locale, le fil qui les mènera au disparu.

Comme dans ses précédents films, Tijuana bible est le récit d’un parcours qui éclaire les croyances, bonnes ou mauvaises, constitutives de l’individu. Religion et superstition sont mêlées, mais au final l’homme est le seul à savoir quelle route il peut prendre. C’est en cela que Jean-Charles Hue est un cinéaste profondément humain. Il donne le choix à ses personnages sans les enfermer dans un destin tout tracé.

Malgré son sujet difficile, le film s’avère particulièrement beau. Certaines images sont à ce titre vraiment magnifiques. On se souvient ainsi de cette décharge dans laquelle le sol est tapissé de débris de verre, ou de la scène d’introduction avec ces images projetées à travers un rideau. Alors que d’autres auraient fait couler beaucoup de sang,  le réalisateur ne cède jamais à la violence gratuite dans sa description d’une ville miséreuse sous l’emprise de la mafia de la drogue et de la corruption.

Mention spéciale à Paul Anderson, en junkie ambivalent, usant magnifiquement de son corps maigre et musculeux à la fois, et aux figurants qui jouent leur propre rôle et dont plusieurs sont morts depuis la fin du tournage, assassinés par le narcotrafic.

Un film bouleversant de véracité, qui vous entraine du début à la fin dans un monde sans compromis. À voir absolument en salles.

Laurent Schérer