Après la vision du sulfureux Exotica et de ce magnifique De beaux lendemains,  j’étais convaincu qu’Egoyan allait devenir une figure essentielle du cinéma mondial. Les nominations aux Oscars et les nombreuses récompenses reçues par De beaux lendemains telles que le Prix FIPRESCI, le Grand Prix du Jury cannois et Prix du Jury Œcuménique avaient mis en lumière le réalisateur canadien qui semblait promis alors à une belle carrière. Malheureusement pour lui, le reste de sa filmographie ne sera pas à la hauteur de cette adaptation du romancier américain Russell Banks. Si le réalisateur a été souvent taxé de formaliste, son visuel ici épouse avec une humanité rare l’existence de ces petites villes nord-américaines où survivent des gens pauvres faisant preuve d’une dignité remarquable.

Le film est porté par l’interprétation magistrale du regretté Ian Holm qui joue ici un avocat spécialisé dans les Class Action. Incapable de gérer ses relations avec sa fille junkie, il soigne ses fêlures en rendant visite à des parents endeuillés afin de les pousser à réclamer de l’argent suite à l’accident d’un autocar scolaire. À ses côtés, nous retrouvons la toute jeune Sarah Polley, seule survivante du drame, qui offre une prestation impressionnante malgré son jeune âge. Son personnage finira par dépasser son trauma, en refusant de laisser les autres diriger sa propre vie, que ce soit son père incestueux ou l’avocat. Du côté de la réalisation, les images sont splendides avec un cinéaste qui réussit à filmer son drame à la bonne distance grâce au Cinémascope, qui lui permet d’éviter les gros plans larmoyants. Au final, il signe une oeuvre universelle qui met en lumière le courage d’hommes et de femmes qui doivent faire face à la perte d’un être cher. Sur un sujet pareil, réussir un long-métrage aussi profond et à ce point maîtrisé, est exceptionnel. La dénomination de chef-d'oeuvre n'est pas usurpée concernant ce film.

Mad Will