On sait le cinéma sud-coréen en pleine expansion, confère la palme d’or reçue en 2019 par l’excellent Parasite de Bong Joon-ho et les films des multiples réalisateurs qui, dans des genres très différents, nous font vibrer devant le grand écran depuis une décennie : Lee Chang-dong (Burning), Yeon Sang-ho (dernier train pour Busan), Park Chan-wook (Mademoiselle), Hong Sang-soo (dont le prochain film Hotel by the river sort la semaine prochaine), et j’en passe de nombreux. Lucky Strike fait partie de cette vague d’excellents films, portant de nouveau le cinéma coréen vers les sommets. Qui plus est c’est un film d’un primo-réalisateur, Kim Yong-hoon, ce qui a doublement de quoi nous ravir au vu de la perspective d’autres films à venir.

Lucky Strike est un long métrage doté de très nombreuses qualités : un scénario original en puzzle dont les morceaux s’emboitent par chapitres et peaufiné dans ses moindres détails. Un suspens permanent doublé d’un humour qui arrive toujours au bon moment pour faire baisser la tension; une certaine violence inscrite au scénario, il s’agit tout de même d’un thriller, mais qui est reléguée le plus souvent hors champ ou distanciée quand elle est montrée;  et surtout une grande maitrise de la direction d’acteurs.

Résumer le film n’aurait aucun sens, l’expliquer serait en dévoiler l’intrigue, d’autant plus que nous assistons à une fin ouverte qui permet au spectateur de prolonger le film à sa guise. C’est pourquoi on ne peut en donner que des éléments que le réalisateur a su merveilleusement rassembler pour le plus grand plaisir du spectateur : un sac rempli de billets, des truands féroces et cupides, un employé de sauna aux prises avec ses difficultés quotidiennes, un contrôleur des douanes véreux, ainsi que des personnages féminins hauts en couleur qui ne s’en laissent pas compter, avec une mention spéciale pour Jeon Do-yeon, en propriétaire de bar impitoyable. Car en plus d’être un excellent thriller, Lucky Strike est aussi un film social, qui jette un regard particulier sur le statut des femmes coréennes, tout en faisant par petites touches la description d’une société dans lequel tout est loin d’être rose, entre difficultés économiques, que n’expliquent qu’en partie la soif d’argent des principaux personnages, corruption et superstition. Est-ce la cupidité qui abrutit les personnages ou leur bêtise qui les rend cupides ? Kim Yong-hoon laisse le doute planer tout au long de son film. Mais le résultat est là sous nos yeux : le meilleur film de l’année 2020.

Laurent Schérer