Mercy Black est la première production Blumhouse à sortir en exclusivité sur la plateforme Shadowz. À retrouver à cette adresse https://www.shadowz.fr, le 8 mai !

En quelques années, le studio Blumhouse est devenu un acteur essentiel au sein de la production hollywoodienne. Fondée par Jason Blum, cette société a été capable à la fois de lancer de nouvelles franchises marquantes du cinéma d’horreur américain comme Insidious , de permettre à  Damien Chazelle de se révéler avec Whiplash , tout en relançant la carrière de réalisateurs bannis d’Hollywood comme Night Shyamalan. Blum aura engrangé 3 milliards de dollars de recettes avec des films budgétés la plupart du temps à 5 millions tout en accédant ces dernières années aux plus prestigieuses remises de prix du cinéma mondial comme les Oscars avec des films d'horreurs tels que Get Out .

Comment résumer la formule Blumhouse ?

La firme est adepte des budgets réduits et produit essentiellement des longs-métrages qui doivent appartenir aux registres de l’horreur ou du fantastique. En échange de ces obligations, une grande liberté est accordée aux réalisateurs qui possèdent le final cut, ce qui est exceptionnel à Hollywood où ce sont les services marketing du studio qui prennent la plupart des décisions.

Le fonctionnement de la firme est lié au parcours familial et professionnel de son créateur Jason Blum. Le producteur est en effet le fils d’un célèbre acheteur d’art qui a acquis pour un prix modique lorsqu’il débutait dans le métier, certains tableaux de la fameuse série de peintures autour des soupes Campbell (Campbell's Soup Cans) signées Andy Warhol. Un flair infaillible de la part du père Blum qui aura marqué son fils. En effet, celui-ci essaie dans le 7ème art d'appliquer la même méthode, en produisant les succès de demain pour un prix raisonnable.

Jason Blum a commencé sa carrière chez Arrow avant d’être recruté pour acheter des films au sein de Miramax. S’il participe à la réussite des Autres d’Alejandro Amenabar, il ne se portera pas acquéreur du Projet Blair Witch qui lui est présenté lors d'un marché du film. Une erreur de jugement quand on connait le succès remporté par le long-métrage tourné en found foutage. Quand Blum quitte la société créée par les frères Weinstein, il indique qu’il souhaite continuer dans le cinéma indépendant, mais en privilégiant une collaboration artistique fondée sur le respect entre le producteur et le réalisateur, à la différence de ses anciens employeurs qui malmenaient beaucoup de cinéastes.

Même si les débuts de sa société sont difficiles, le producteur flaire le bon coup quand le primo-réalisateur Oren Peli lui présente un premier montage de Paranormal Activity. Se rappelant sans doute qu'il avait raté Projet Blair Witch , il va prendre sous son aile Oren Peli et passer trois années à retravailler le film tout en cherchant activement des distributeurs. Il obtiendra un accord avec DreamWorks qui s’engage à vendre le film après avoir eu vent des réactions du public pendant une projection test. Un investissement humain très rentable pour son jeune producteur, car Paranormal Activity est un carton planétaire qui va lancer sa carrière. Avec ce film, Jason Blum a bien compris l’importance de produire ses films en indépendant tout en travaillant avec les studios pour avoir des accords de distribution. Passé par le cinéma d'art et d'essai américain, Jason Blum s’est aperçu que les petits budgets permettaient de donner de la liberté aux cinéastes, afin de stimuler leur créativité. Mais il a également compris que le gros problème des longs-métrages indépendants était la faiblesse de leur circuit de distribution. En se spécialisant dans le cinéma d’horreur, il peut profiter d’un cadre de production où il est le seul à prendre les décisions avec le réalisateur, tout en étant assuré du soutien des majors interessées par ce genre de produit et qui feront exister le film en salles grâce à leurs budgets élevés en matière de communication (souvent 4 ou 5 fois le prix d'un film Blumhouse). Alors qu'il n’est pas forcément un fan de films de genre, Jason Blum plébiscite le genre horrifique car celui-ci lui permet de faire passer un message sur l'état du monde dans une oeuvre de divertissement. On pense à Get Out et sa dénonciation plutôt maline du racisme ordinaire ou bien à The Purge qui remet en cause la toute-puissance des lobbys des armes à feu aux USA.

Avec pour la plupart du temps 5 millions de dollars pour faire un film, Jason Blum a compris que son indépendance était à ce prix. Il n’a pas fait l’erreur d’indépendants comme la [[Societe:Cannon]] qui a finalement été broyée par les grands studios de Los Angeles quand la firme s’est lancée dans les gros budgets. Il sait que ses budgets réduits lui permettent d’avoir une production design au-dessus des produits fabriqués pour la VOD tout en continuant à innover. En effet, ses échecs au cinéma sont couverts largement par ses succès en salles dignes des grosses machines hollywoodiennes.

Avec Mercy Black , Blumhouse permet à un réalisateur en devenir comme l’écrivain Owen Egerton d’accéder à des conditions de production plus cossues que sur ses deux premiers essais devant la caméra. Alors que vaut cette production Blumhouse disponible sur Shadowz ?

Comme d’habitude chez Blumhouse, la facture du long-métrage est plutôt très bonne. De jolis plans en extérieur avec des mouvements de grues soignés, une photo travaillée, la production design du long-métrage est de très bonne qualité. De plus, en choisissant de filmer surtout les intérieurs, le réalisateur ne rend pas visible les limites du budget alloué par son producteur. Nous sommes ici avant tout dans la conception américaine du cinéma d'horreur contemporain où le son joue un rôle primordial. En effet, chaque claquement de porte fait ici plus de bruit que la patrouille de l’air au 14 juillet. Ce sound design a pour fonction d’augmenter le stress pour le spectateur, qui craint à n’importe quel moment de voir surgir un monstre de l’un des recoins mals éclairés du décor. De plus, malgré un rythme assez lent nous pouvons compter tout de même sur quelques jump cut (saut à l’image) pour relancer la tension.

Côté scénario, le déroulement est vraiment classique et ne sera pas surprenant pour l’amateur du genre. Par contre, le sous-texte du film est plutôt bien vu. Mercy Black commence ainsi par la sortie d’une jeune femme de l’hôpital psychiatrique. Elle est restée en institution pour avoir participé à une tentative d’assassinat sur une jeune camarade. Quand elle sort de sa thérapie, en plus de la culpabilité à gérer, elle va être victime de la mystification de son histoire personnelle par des milliers d’internautes. Le film s’avère alors une critique de la vitalité des fakes news sur le Net. De la même manière, ce long-métrage, surtout dans son final, dénonce par le biais de l’horreur les méfaits que peuvent réaliser certaines personnes pour légitimer leur croyance. Dans un pays, où certains platistes (qui ne croient pas que la Terre est ronde) perdent la vie pour vérifier leurs théories fumeuses, le film vise plutôt juste même s’il ne pousse pas assez loin sa réflexion.

Soyons clair, si vous n’êtes pas fan des productions Blumhouse, le film ne vous plaira pas forcément. En effet, ce long-métrage n'égale pas  The Visit de Night Shyamalan ou le Invisible Man de Leigh Whannell, tous deux produits par Jason Blum. Néanmoins Mercy Black permet à Shadowz d’enrichir un catalogue de films déjà impressionnant, en proposant une horreur plus contemporaine à visée d’un jeune public qui a appréhendé le genre avec les oeuvres de James Wan.

Mad Will