Cyril contre Goliath montre le combat mené par Cyril Montana, écrivain, consultant et journaliste, devenu réalisateur quand il filme sa propre histoire. Habitant de cœur du village de Lacoste (400 âmes), situé dans le parc naturel régional du Lubéron, il s’oppose à Monsieur Pierre Cardin qui, par un « caprice de vieillard », a décidé d’acheter le village et les terrains alentours. Le couturier possède à ce jour en plus du château et des dizaines de maisons du village, 40 hectares de bonnes terres. Et de ces propriétés il ne fait rien ou presque. Tout lui sert de vitrine. Le château est en effet le cadre d’un festival d’opéra annuel et ses maisons servent à exposer ses créations. Le village se vide donc de ses habitants et se meurt. Le réalisateur, au vu de cet état de fait décide de mener une lutte pour faire revivre la bourgade.

Dans ce documentaire, ce n’est pas forcément l’aboutissement du combat qui est intéressant, mais la démarche de l’engagement et ses conclusions, puisqu’ainsi que l’indique la philosophe Cynthia Fleury interviewée dans le film, « l’engagement n’a pas besoin d’une victoire pour montrer sa valeur »,.

En effet, le réalisateur se met en scène comme un naïf qui pense que la bonne foi, le bon sens, vont permettre, si ce n’est de résoudre le problème, au moins d’entamer une discussion à son sujet. Il passe donc la première moitié du film à rencontrer des habitants, la presse, des élus et en premier lieu le maire de la commune, pour comprendre la situation et voir quelles pistes ont été tentées. Mais il comprend vite que rien n’a atteint le châtelain hormis une fois, le blocage de son festival estival par des agriculteurs opposés à un projet de golf du milliardaire. Voulant payer de sa personne et prouver sa militance aux yeux de ses amis et surtout de son fils qui lui reproche son attitude « gauche caviar », il reprend l’idée d’une marche que lui a soufflée un indien disciple de Gandhi, et part, tel un Don Quichotte, pour un périple à pied de Paris à Lacoste. Fiasco pour la cause mais intense période de réflexion pour lui-même. N’a-t-il pas péché par orgueil ? N’aurait-il pas fallu commencer par savoir ce que désiraient les habitants du village au lieu de se considérer comme un sauveur ?

C’est surement une des leçons de ce film. On ne peut assurer le bonheur des personnes contre leur gré. « Il faut changer de méthode » comme le constate lui-même le réalisateur qui se rend compte qu’il ne faut pas penser à la place des gens mais leur donner les moyens d’expression de leur engagement.

Un des (nombreux) autres points intéressant du film est lorsque la même Cynthia Fleury pointe du doigt l’importance dans notre société de l’occupation de l’espace public. Ce que recherchent les possédants c’est de déposséder le peuple du droit d’exister dans cet espace. La répression violente des manifestations de ces dernières années en est un exemple flagrant.

Le film laisse de nombreuses questions en suspens : les limites de l’engagement, de la militance, de la non-violence, de la désobéissance civile… mais il met en lumière le mépris des riches envers ceux qu’ils considèrent comme des moins que rien, niant leur valeur, car pour eux il n’en existe qu’une, celle de l’argent.

Témoignage d’un engagement et d’une lutte, ce film est une pierre supplémentaire apportée à l’indispensable construction du « monde d’après ».

Laurent Schérer