Hana (Zuzana Kronerova), une sexagénaire qui a passé sa vie à se sacrifier pour ses enfants, rencontre Brona (Pavel Novy), membre d’un club de nageurs en eau froide, en le sauvant de la noyade alors qu’elle promène son petit-fils Ivanek. Elle se jette à l’eau dans au sens propre comme au sens figuré puisque ce sauvetage marque le début d’une histoire d’amour, qui lui permet de se rendre compte, en prenant conscience de son statut d’exploitée, que ce qu’elle a vécu n’est plus tenable, et de commencer à prendre des décisions pour elle-même.

   Le réalisateur Bohdan Slama peint tendrement le portrait de cette femme que ses enfants traitaient avec peu d’égards, considérant que tout leur est dû, l’un en termes d‘argent, l’autre en termes de temps.  Seule l’une des belles-filles semble faire preuve d’un peu d’humanité envers sa belle-mère.

   Ice mother décortique ainsi d’une façon subtile ce que les « obligations familiales » peuvent avoir de perverses, lorsqu’elles nous font nous sentir redevables de services qui nous ont été rendus par le passé, ou lorsqu’elles sont liées à un contrat tacite de moralité et de bienséance. On ne peut s’empêcher de penser à La cérémonie de Chabrol, tant les tensions autour de la table familiale sont admirablement mises en scène. Évitant judicieusement la tentation de la démonstration manichéenne, Bohdan Slama préfère ouvrir des pistes de réflexion au spectateur plutôt que d’être brutalement assertif. Il inverse également ingénieusement les stéréotypes du conte : une femme d’âge mûr sauve un homme pas tout jeune lui non plus, et ils n’auront pas d’enfant, puisque ceux qu’ils ont déjà posent les problèmes qui font le cœur du récit. Grâce à tous ses éléments, le réalisateur tchèque réussit un film d’apprentissage rafraîchissant et humoristique malgré le sérieux de son sujet, dont le public naturel semble être le troisième âge mais dont les jeunes générations tireront également de précieuses leçons !

L.S.