Parmi les trois longs métrages de fiction du réalisateur américain Michael Roemer, restaurés et présentés en salle par le distributeur Les films du Camélia, nous avons choisi de vous présenter son premier, Un homme comme tant d’autres réalisé en 1964. Cette chronique sociale narre l’histoire de Duff (Ivan Dixon) un homme noir qui veut simplement vivre sa vie.

Ce cheminot, en compensation d’un métier dur, gagne bien sa vie. Travaillant le jour, dormant la nuit dans un wagon suiveur avec ses camarades de labeur, sa vie n’est cependant pas celle permettant un facile épanouissement personnel. C’est pourquoi, étant tombé amoureux de Josie (Abbey Lincoln) la fille du pasteur et institutrice de la petite ville de l’Alabama auprès duquel passe son chantier, il décide de quitter son travail et de demander en mariage son amoureuse.

C’est à partir de ce moment-là que Duff subit de plein fouet son rejet en tant qu’ouvrier noir athée. Rejet des blancs racistes d’abord, mais rejet aussi dans sa propre communauté dont au premier chef le pasteur qui voit dans le mariage de sa fille un déclassement. Enfin, rejet par son père, avec lequel, après une longue séparation, il cherche pourtant à renouer.

En quête d’un nouveau travail, il se fait partout éconduire parce qu’il réclame les mêmes droits et salaire que les ouvriers blancs, ou qu’il refuse de se laisser insulter sans rien dire, ce qui est considéré alors comme « chercher des problèmes »

Il se rend compte qu’aucune des options qui lui sont proposées ne lui plaisent : rentrer dans le moule en acceptant sans broncher toutes sortes d’humiliations, s’évader dans la boisson, partir dans un autre état américain où la condition des noirs est moins difficile. Toute autre voie semble bouchée, en particulier celle de vivre simplement comme un homme.

Cette situation va jusqu’à mettre à mal sa relation avec sa femme, le réalisateur ne glorifiant pas son personnage principal, mettant au contraire en valeur ses doutes, ses faiblesses, bref, un cheminement qui lui permettra au final de cibler ses priorités.

Récompensé au festival de Venise, et film préféré de Malcolm X, ce long-métrage est un des premiers à montrer de façon directe la condition de vie des afro-américains sans sombrer dans le misérabilisme ou l’activisme militant réducteurs, le cinéaste préférant brosser ici un portrait nuancé et authentique d’un homme luttant simplement pour sa dignité et le bonheur des siens.

Laurent Schérer

NB : Sont disponibles actuellement en salle, en plus d’Un homme comme tant d’autres (1964), Harry Plotnick seul contre tous (1970) et Vengeance is mine (1984).