Avec le film Scandale , nous plongeons dans les méandres de Fox News, une chaine incarnant l’Amérique évangéliste et conservatrice actuellement au pouvoir aux USA. Le film raconte comment l’ancien directeur Roger Ailes a été démis de ses fonctions suite aux accusations d’harcèlement sexuel de la part de certaines de ses journalistes. La chute du plus puissant patron de presse de l’époque a été considérée comme fondatrice pour le mouvement #MeToo. En effet, pour l’une des premières fois aux USA, des femmes libéraient leur parole sur les penchants libidineux de leur hiérarchie qui se croyait intouchable à cause de sa sphère d’influence. Conseillé de tous les présidents républicains, Roger Ailes a fait régner au sein de Fox News un climat de terreur pendant de 20 ans. Paranoïaque (il aurait fait mettre une vitre et une porte blindée dans son bureau après avoir croisé un Arabe dans les locaux de la chaine), son Fox News est à son image. C’est-à-dire un média raciste, paranoïaque et sexiste où il agissait comme le pire des porcins en jouant le faiseur de rois. Ainsi, en un claquement de doigts, il pouvait faire ou défaire votre carrière si jamais vous vous refusiez à lui.

Scandale est un projet porté par l’actrice Charlize Theron et mis en scène par Jay Roach. Au premier abord, il est étonnant de voir à la tête d’un film engagé comme celui-ci, un réalisateur connu pour ses comédies comme Austin Power ou Mon beau-père et moi. Néanmoins quand on fouille sa filmographie, on découvre que ce cinéaste a réalisé plusieurs téléfilms politiques pour HBO qui ont fait grand bruit dans son pays. Il met ici en image un script de Charles Randolph l’auteur du long-métrage culte The Big Short sur la crise de 2008 où jouait déjà Margot Robbie. Avec son casting où l'on retrouve 3 des meilleures actrices d’Hollywood toutes générations confondues (Nicole Kidman, Margot Robbie et Charlize Theron), on attendait beaucoup du premier gros film de studio post #MeToo d’Hollywood !

La grande force du film est de nous signifier que des personnalités comme Weinstein ou Roger Ailes sont l’incarnation d’une société malade où le pouvoir économique permet de réduire l’autre en esclavage. Dès les premières secondes du film, nous sommes donc plongés dans les fantasmes nauséabonds et aryens de l’ancien directeur de Fox News. On ne retrouve ainsi dans le personnel féminin de la chaine que des femmes blondes (et blanches) aux corps longilignes, dont les jupes dévoilent les molets pour le plus grand plaisir de Roger Ailes que Jay Roach filme en le situant au centre de l’image. Interprété par un John Lithgow tout en retenu qui n’a jamais été aussi juste que depuis son entrée dans le troisième âge, Roger Ailes, jusqu’à sa chute, concentrera les regards de tous les autres protagonistes durant tout le film. De la même manière, le moindre coup de téléphone de sa part sur les plateaux télé sera traité dans ce long-métrage à la manière d’un thriller. Nous sommes bien ici sur le terrain de chasse d’un pervers sexuel qui d'un claquement de doigts peut vous virer. Un homme dont le pouvoir est tel qu’il s’arrangeait pour que vous ne retrouviez jamais du travail dans le journalisme si vous refusiez de lui faire une gâterie. Ce long-métrage montre que tout le monde savait pour ses agissements. Mais la plupart des collaborateurs de Roger Ailes préféraient fermer les yeux par peur. Une minorité masculine soutenait même ses exactions, espérant profiter du même régime de faveur.

Scandale n'est jamais un film manichéen. Ainsi, les deux journalistes Gretchen Carlson et Megyn Kelly qui feront tomber Roger Ailes ne sont pas parfaites, elles peuvent s’avérer parfois arrivistes, lâches et même calculatrices.  Mais avant tout, elles sont victimes dans un monde où le pouvoir phallocrate tend à les modeler à leur image. On ne peut donc qu’être qu’admiratif de leur courage pour avoir remis en cause une société masculine où les abus de pouvoir étaient monnaie courante quelques années avant le mouvement #MeToo.

Enfin, on appréciera la manière dont le film traite de l’arrivée de Trump au pouvoir par le biais d’extraits de ses interviews sur Fox News. Alors que la parole commence à se libérer sur la chaine conservatrice, Roach introduit la présence menaçante du futur président des USA par le biais des écrans. Une remise en cause des droits des femmes devenue depuis une réalité avec ce président qui est le premier de l’histoire des USA à manifester contre l’IVG durant sa mandature.

Même si on peut reprocher à Scandale d’être filmé de manière classique et d’user d’appartés un peu trop didactiques quand Charlize Theron s’adresse au spectateur, le film est réellement instructif pour celui qui veut comprendre les USA et leur président. Un long-métrage à voir en salles qui s’avère nécessaire en ces temps où les réactionnaires remettent en cause la place de la femme.

Mad Will