Samedi soir, dimanche matin est une adaptation d’une nouvelle d’Alan Silitoe. Ce film est réalisé par Karel Reisz et produit par Tony Richardson, le pape du réalisme social anglais, qui réalisera deux ans plus tard le magnifique La solitude du coureur de fond. Cette approche sociétale du cinéma est fondatrice d’une certaine cinématographie anglaise encore visible dans des œuvres contemporaines telles que Moi Daniel Blake de Ken Loach. Avec Samedi soir et dimanche matin, sorti en 1960, le courant intitulé « Free cinéma » remportait un succès public considérable et lançait définitivement la nouvelle vague sociale du cinéma britannique.

L’action du film se passe dans une petite ville anglaise où en dehors de l’usine les distractions sont rares. Soit la pêche à la ligne, soit la pêche aux filles pour les jeunes gens, la télévision acquise à force d’heures supplémentaires restant le summum pour se délasser d’une journée de travail abrutissante.

Arthur, (Albert Finney), le personnage principal du film, refuse cette société et préfère se cuiter sérieusement au pub plutôt que de rentrer chez ses parents, auxquels il doit reverser une bonne partie de son salaire. (Nous sommes à l’aube des années 60 !)

Le personnage souhaite avant tout profiter des plaisirs de la vie, des délices des sens en partageant le lit de deux femmes, Brenda, une femme mariée (Rachel Roberts), et Doreen, une jeune fille (Shirley-Anne Field). Cette situation amoureuse entraînera Arthur dans de multiples péripéties.

Samedi soir, dimanche matin dénonce avec sévérité la société anglaise pudibonde de l’époque où il est quasi impossible de s’émanciper de la norme, tant sociale que morale. Pas de véritables méchants dans ce film, où les tous les rôles semblent dictés par la société, que ce soit celui du flic ou celui de la voisine mégère.

Ce qui est en jeu dans le film, c’est un système qui ne laisse à personne la possibilité de s’y soustraire. La scène remarquable du manège où Brenda et Arthur cherchent à échapper au mari est métaphorique de cette emprise. Les images se précipitent, la caméra épouse le tourbillonnement du carrousel, laissant apparaître par éclair la silhouette du frère militaire venu à la rescousse pour châtier l’amant de la femme.  Cette gradation en terme de découpage témoigne de la peur d’être découvert par le mari cocu tout en symbolisant une société prête à condamner tout écart à la norme comme le montrera le film par la suite.

Une œuvre à découvrir !

Laurent Schérer