Même si cette œuvre n’est pas aussi définitive que l’était Your name, nous vous recommandons néanmoins de découvrir le magnifique Les enfants du temps.

Une fois encore, Makoto Shinkai traite avec beaucoup de pudeur et de poésie de l’adolescence. Si Your Name relatait les émois d’adolescents à travers la prise de conscience de leur propre corps et des relations qu’ils tissent entre eux, Les enfants du temps met en avant de jeunes gens confrontés trop tôt au monde des adultes.

Le film suit ainsi Hodaka qui a fui son île natale et sa famille. Il se retrouve dans Tokyo, sans travail ni argent. Désabusé, sans toit pour dormir, il ne cesse de fuir pour éviter le regard suspicieux des adultes et de la police. Il finit alors par rencontrer un certain Keisuke Suga, le rédacteur en chef alcoolique d’un journal à sensation sur les phénomènes paranormaux, qui va exploiter le garçon. Alors que le Japon est exposé à de continuelles pluies, il est chargé d’enquêter sur Hina, une orpheline de « bientôt 18 ans » considérée une « fille-soleil » car elle a la capacité de faire apparaître l’astre solaire et de mettre fin aux précipitions. Mais ce don a un prix, la jeune fille flirtant de plus en plus avec la mort à chaque utilisation de son pouvoir. Pourtant, afin de s’assurer d’un revenu et d’offrir un foyer à son petit frère qu’elle a pris en charge, elle va avec l’aide d’Hodaka moyenner sa capacité à diriger le temps.

On ne dira jamais assez à quel point Makoto Shinkai est un maitre de l’animation dont les longs-métrages sont des œuvres d’art grâce à leurs décors époustouflants. En progression constante dans sa maitrise technique des rendus, des lumières et devant une telle profusion de détails, on se demande vraiment où cet artiste génial s’arrêtera. Rien que la vision de la ville de Tokyo noyée sous le déluge vaut le prix de son ticket de cinéma.

Quant aux thématiques développées par le réalisateur, elles sont riches et finalement nombreuses. En effet, réduire le film à la thématique écologiste des méfaits liés au réchauffement climatique est à mes yeux une erreur. La pluie qui tombe en permanence serait plutôt à prendre comme une métaphore d’un monde pourri. Ce n’est pas seulement le climat qui est déréglé dans le monde que les adultes lèguent à leurs descendants : le film met en scène un univers cruel où l’argent est roi. Un monde où il faut suivre la norme ou … disparaître.

Peintre du monde adolescent, Makoto Shinkai traite avec une grande délicatesse de la naissance du sentiment amoureux à travers la relation entre Hina et Hodaka. Mais surtout sa grande force est de s’éloigner des habituelles interrogations du film d’apprentissage classique vu dans bon nombre de mangas ou de films américains. Ici Makoto Shinkai ne s’interroge pas sur « comment sauver le monde ? », mais nous demande avant tout « pourquoi nous devrions sauver ce monde ? ». Fini les ados rebelles qui sont le dernier rempart contre l’extinction de l’humanité ! Fini le sacrifice du jeune héros au profit de l’intérêt général ! Si les adultes ont érigé un monde où leurs rejetons sont dressés puis sacrifiés au non d’un soi-disant système, pourquoi ceux-ci devraient donner leur vie pour le sauver ? Le film nous montre donc des adolescents qui se rebellent contre les adultes, fuient devant les autorités, et utilisent des armes à feu s’il faut défendre leur droit au bonheur.

Un superbe film, empli d’émotions, à ne pas rater.

L.S. et Mad Will