L’ombre de Staline nous plonge dans le monde du journalisme en relatant l’escapade en Ukraine d’un jeune homme de 28 ans, Gareth Jones, au début des années 30, à l’époque où Hergé envoyait le reporter Tintin chez les soviets. Agnieszka Holland s’attache ici à retracer la biographie d’un personnage historique avec un certain souci de réalisme à la différence d’Hergé qui publiait un récit à visée propagandiste.  Malgré cela, on est tout de même en présence d’un film à charge contre le régime de Staline et de ses soutiens directs ou indirects.

Mais peut-on en vouloir à la réalisatrice polonaise quand on sait que les crimes de Staline ont fait plus de morts (famine et camps) que la totalité des victimes de la Seconde Guerre mondiale, et que la Pologne et l’Ukraine ont payé de très lourds tributs dans cette période de règne des totalitarismes ?

Les camps sont ici bien séparés, et c’est bien là le seul bémol de ce film qui manque parfois de nuances. Le gentil journaliste décillant peu à peu ses yeux sur l’horreur, devra donc faire face à certains de ses présupposés camarades qui ont rejoint par lâcheté ou conviction le régime totalitaire. Le seul personnage à évoluer est Ada, la femme journaliste qui refuse au final la compromission, ce qui en fait une protagoniste essentielle aux côtés de notre jeune héros.

Les superbes images du long métrage nous transportent dans une Ukraine enneigée, et par des jeux récurrents de reflets et de miroirs nous indiquent la duplicité des protagonistes. Par d’autres procédés, des mouvements de caméra tourbillonnants, la réalisatrice ébranle les certitudes de son personnage et étourdit le spectateur.

L’ombre de Staline est un film original sur une période de l’histoire au sujet de laquelle on pensait que tout avait déjà été raconté. Une œuvre essentielle qui nous interroge sur notre période contemporaine, où les fakes news et autres techniques de propagande ont malheureusement toujours le beau rôle.

Laurent Schérer