Une femme qui insiste pour passer la nuit dans un taxi, un homme pris au piège d’un rendez-vous pas très galant... deux histoires qui semblent indépendantes jusqu’à ce qu’un troisième acte les réunisse. Nos deux personnages Dana et Arthur s’avèrent mari et femme, mais peut-être plus pour très longtemps. Dans ce premier film, le cinéaste roumain Marius Olteanu décortique les difficultés d’une relation amoureuse sur le déclin. Le temps d’une même nuit, les deux sujets sont étudiés séparément et exposent une partie de leur intimité, un petit secret dont seul le spectateur sera le confident.

Après la nuit ainsi est divisé en trois séquences nommées d’après leurs protagonistes, tournées en 4/3, le format carré devenu très tendance pour filmer des portraits. Le troisième acte intitulé « Les Monstres » (également le titre original du film) élargit son cadre pour réunir Dana et Arthur et les confronter ensemble au monde extérieur. Car les monstres pointés du doigt ne sont finalement pas ce couple qui se fait du mal mais bien leur entourage : une ribambelle de seconds rôles qui, mis bout à bout, symbolisent les fléaux de la société contemporaine, l’individualisme et l’intolérance. On découvre ainsi un amant psychorigide obsédé par son propre bien être, un voisin très indiscret, et une femme grossière qui en condamne une autre parce qu’elle ne veut pas avoir d’enfant. L’environnement urbain et sonore n’est pas non plus laissé en reste : la radio du taxi est exaspérante, les rues de Bucarest la nuit sont sinistres, les appartements hérités des années 70 sont étroits et blafards. Avec cette étude minutieuse, Marius Olteanu contextualise la crise d’un couple parfaitement ordinaire, et constate que leurs disputes ne sont qu’un effet secondaire d’un mal être plus général.

C’est donc sans scène de cris et de bris de vaisselle mais en se focalisant sur des moments banals de vie quotidienne, presque filmés en temps réel, que le jeune réalisateur établit un état des lieux de l’amour moderne. Le film prend son temps et fonctionne grâce à cette sensation de longueur, qui pourrait parfois frôler l’ennui si elle n’était pas rattrapée par une écriture et une interprétation des plus réussies.

Suzanne Dureau