Dans la vie, Laetitia galère. Victime de violences dans son enfance, elle ne peut pas s’appuyer sur un monde interne aux fondations solides. Obnubilée par le doute, parasitée par ses craintes, toute une partie d’elle-même est absente aux autres et au monde. Toujours « à côté de la plaque », elle multiplie les échecs professionnels et sentimentaux qui ne font que renforcer ce cercle vicieux. Il existe pourtant un endroit où Laetitia arrive à canaliser son énergie pour atteindre son but : le ring. Motivée par les échéances de compétition, elle a même conquis le titre de championne du monde de boxe thaï. Une victoire malheureusement à double tranchant, qui la confronte soudain à un vide d’adversaires, personne n’osant plus l’affronter, et qui la démobilise. Lorsqu’elle est enfin à nouveau provoquée en duel, elle doit tout reconquérir, aidée par un entraîneur particulièrement pédagogue.

   Mue par l’envie de comprendre une femme dont le fonctionnement se situe aux antipodes du sien, la documentariste Julie Talon suit Laetitia pendant cette préparation. Soucieuse de préserver son intimité, elle ne filme la jeune femme en dehors des salles de boxe qu’avec une tendre parcimonie. Cela nous permet de comprendre la championne sans avoir la désagréable impression de tomber dans le voyeurisme. La personnalité tragique de Laetitia fait le reste. Si le portrait qu’en fait Julie Talon nous émeut, c’est qu’elle réussit à restituer l’irrévocable inapaisement de cet être humain toujours sur le fil du rasoir, dont le premier ennemi est lui-même.

F.L.