Le film est disponible en DVD et en Blu-ray à cette adresse : Lien

Je vous propose aujourd’hui de revenir sur les aventures de Tintin au cinéma à travers une réalisation du début des années 60 mettant en scène Jean-Pierre Talbot en Tintin et Georges Wilson en Haddock. Le film s’inscrit dans un registre de la comédie d’aventures, genre qui fit les grandes heures du cinéma populaire français avec Belmondo ou la trilogie Fantômas d’André Hunebelle avec la divine Mylène Demongeot. Mais revenons ici à cette première adaptation de Tintin que nous devons à Jean-Jacques Vierne qui n’a pas forcément marqué l’histoire du cinéma par son activité de réalisateur. En effet, son seul titre de gloire est d'avoir réalisé le premier long-métrage live de Tintin. Jean-Jacques Vierne a débuté comme assistant-réalisateur sur des films de Yves Ciampi et Jules Dassin et passera à la réalisation en 1961 avec La fête espagnole. Sa carrière comptera peu de films puisqu’en dehors de Tintin, il signera seulement quelques téléfilms pour l’ORTF avant de disparaître des écrans. On peut supposer que son engagement est dû au fait qu'il a supervisé les adaptations de notre petit reporter belge pour la radio.

Il pourra néanmoins se féliciter d’avoir réuni presque 4 millions de spectateurs avec les aventures de Tintin dans les salles françaises. Si le personnage d’Hergé était déjà apparu dans des films d’animation et au théâtre, La toison d’or est véritablement sa première intrusion dans des décors réels avec des acteurs de chair et de sang. Jean-Jacques Vierne n’était pas le premier choix de la production. Mais l’approche formaliste de Resnais qui n’a pas été retenue et le retrait de Broca du projet, ont conduit les décideurs du film à engager un technicien conciliant capable de supporter la pression exercée par le producteur André Barret et Hergé qui envoyait ses espions sur le tournage.

Alors même que De Broca est encore envisagé comme réalisateur, le casting est lancé. La production engage ainsi le clown Georges Loriot pour jouer Tournesol. Cette personnalité reconnue du cirque français possède un parcours assez fascinant. L’homme a en effet commencé comme acrobate cycliste puis a combattu à Verdun avant de se lancer dans la carrière de clown. Âgé, il deviendra une personnalité connue du grand public pour l’émission La Piste aux étoiles. Nous retrouvons également un certain Max Elloy dans le rôle de Nestor. Ce second rôle vu dans de nombreuses comédies des années 60 et 70 fut dans sa jeunesse l’un des plus émérites batteurs de jazz français et enregistra des disques avec Django Reinhardt. Enfin comment ne pas évoquer l’interprétation haute en couleur de Georges Wilson, comédien de théâtre du TNP de Jean Vilar qui nous fait ici un capitaine plus grincheux que jamais. Mais le plus dur restait tout de même à faire pour la production : il fallait trouver un Tintin ! Il faudra des années et un casting sauvage sur les plages belges pour trouver la perle rare en la personne de Jean-Pierre Talbot dont la ressemblance est plus qu’évidente avec le boyscout de Hergé. Celui qui avait à peine 16 ans et qui était moniteur de sport devient une star de cinéma du jour au lendemain.  Malgré un manque d’expérience dans la comédie, Talbot (depuis instituteur) est vraiment impeccable grâce à sa jeunesse, son naturel et son allure de scout.

Alors que penser de ce Tintin ? C’est avant tout un plaisir d’un autre temps, un délice sucré aux couleurs surannées. Le film ressemble vraiment à ces vieilles photos de vacances ou ces cartes postales que l’on redécouvre les yeux humides lors d’un déménagement. Je vous l’accorde le découpage est plutôt mollasson, mais en même temps y a une magie indéfinissable qui de dégage de ce film. On peut supposer que le choix de tourner en extérieur dans les magnifiques paysages Turcs et Grecs participe au plaisir du spectateur qui a l’impression de feuilleter un livre d’images. De même, le jeu des acteurs est essentiel, avec un Wilson très bon en colérique Haddock, et le jeune Talbot impeccable en Tintin dont il possède l’allure juvénile. Mélangez tous ces ingrédients et vous obtiendrez tout simplement une excellente comédie populaire largement dans le haut du panier du genre à l’époque. Et puis quand on est tintinophile, on ne peut qu’apprécier les très nombreux clins d’œil à la bande dessinée comme cette conclusion à la Rackam le rouge ou ce concours de lancement de boulets issus de l’île Noire.

Et puis certaines scènes comme le mariage traditionnel dans le film ou la séquence ou Milou éteint la bombe, semblent sortir littéralement des cases des premières aventures du reporter du Petit Vingtième. On prend également beaucoup du plaisir à découvrir une histoire originale de Tintin et pas une énième reprise d’albums archiconnus comme dans la version de Spielberg. Réalisé du vivant de son auteur, Tintin et la toison d’or ne souffre pas encore du diktat imposé depuis par le nouveau mari de la femme d'Hergé qui va finir par faire mourir le personnage à force de vouloir empêcher à tout prix la moindre création possible ou hommage.

Au final, on se laisse embarquer par la naïveté de ce film pour enfants dénué de toute violence et qui arrive sans mal à être plus fidèle à l’oeuvre d’Hergé que les longs-métrages d’animation réalisée par le studio Belvision dans les années 70 comme Tintin et le lac au requin ou Le temple du soleil. C’est vraiment une oeuvre que je regarde de temps à autre avec beaucoup de plaisir même si ce long-métrage ne pourra jamais égaler la meilleure bande dessinée au monde (je sais que je suis de mauvaise foi, mais je suis un tintinophile devant l’éternel). Une aventure de Tintin à revoir à la différence du deuxième volet tourné avec des acteurs en chair et en os quelques années après et appelé Les oranges bleues.

Mad Will