Le réalisateur franco-afghan Atiq Rahimi avait réussi en 2012 un superbe long-métrage avec Syngué Sabour-Pierre de patience. Son nouveau film, Notre-Dame du Nil, quoiqu’un peu en dessous du précédent, (à cause certainement d’une moins bonne performance des acteurs, amateurs pour l’essentiel dans ce film) vaut largement la peine d’être vu.

Tourné au Rwanda, l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Scholastique Mukasonga Notre-Dame du Nil revient sur un épisode tragique de l’histoire du pays,précurseur du génocide de 1994. Nous sommes en 1973 dans un institut élitiste d’enseignement catholique pour jeunes filles. On retrouve parmi les élèves  Virginia (Amanda Santa Mugabekazi), Modesta (Belinda Rubango Simbi), Veronica (Clariella Bizimana) et Gloriosa (Albina Sydney Kirenga) qui semblent à l’abri des turbulences du monde extérieur, leurs préoccupations étant tournées vers leurs études, leur famille et pour quelques-unes leur petit ami. On comprend vite aussi que ces jeunes filles sont dressées à obéir, tout manquement à la règle étant sévèrement puni par la hiérarchie de l’institution. Un seul personnage étrange vient perturber les habitudes du lycée, Monsieur Fontenaille (Pascal Greggory), propriétaire d’une plantation de café, qui vient observer et dessiner certaines des adolescentes lorsqu’elles évoluent hors des murs. Selon lui, cette  activité lui permettrait de retrouver une hypothétique descendante chez les Tutsi des pharaons noirs. Malheureusement les murs de l’institution ne permettront pas de préserver ce « paradis » de l’intrusion d’une milice Hutu venue épurer le village et le lycée de ses éléments Tutsi.

Le film a un double intérêt. D’un point de vue historique, il rappelle que l’atroce génocide de 1994 n’était pas le premier épisode de massacres. De plus, Notre-Dame du Nil est une analyse de la société rwandaise qui met en exergue la compromission et la lâcheté des institutions et celle de l’église catholique en particulier. À ce titre, le message du film est clair : la politique de l’autruche ne sert à rien pour se protéger des exactions. Le « ça ne peut pas nous arriver à nous » ne fonctionne pas pour se protéger. Et nous touchons là à un message universel, car c’est une phrase que dans d’autres domaines nous avons déjà maintes fois entendue et que nous entendons encore.

Construit en quatre parties ("Innocence", "Sacré", "Sacrilège", "Sacrifice") le film nous emmène dans une analyse de la montée progressive de la haine, le jardin d’Eden du départ se métamorphosant au fil du temps en un enfer. Les troubles qui surgissent de l’extérieur, tout en ayant leur origine et leur développement propres, sont en quelque sorte l’écho de ceux de l’intérieur avec des sœurs qui dirigent l’institution en confondant la lettre et l’esprit des évangiles. En cela l’épisode de la « fausse couche » est révélateur de la prégnance d’un pharisianisme qui s’avérera destructeur.

Sur le plan formel, il faut noter la magnifique photo de Thierry Arbogast qui, tant à l’intérieur que par l’utilisation des splendides décors naturels, nous offre en permanence une image de toute beauté. 

En conclusion, un film édifiant.

L.S.