En avril le catalogue Netflix c’est de nouveau enrichi de quelques films qui valent le coup d’œil pour les cinéphiles et tant mieux ! C’est l’occasion de remettre un coup de projecteur sur l’inoubliable Fright Night premier du nom et sorti en France sous le titre Vampire, vous avez dit vampire ? en 1985.

 

Pour rappel voici les faits : le jeune Charley Brewster voue un culte aux films d’horreur et particulièrement à ceux mettant en scène des vampires. Lorsqu’il comprend que son voisin est lié aux disparitions de femmes dans le quartier il se rend compte que la fiction a dépassé la réalité. Désemparé, il décide de contacter Peter Vincent, un célèbre chasseur de vampires.

Pur produit des années 80 Fright Night est un mélange de film de vampire et de comédie teintée de fantastique avec un amour et un respect du genre qui déborde de l’écran. Son réalisateur Tom Holland, futur papa de Chucky, a d’abord officié à Hollywood en tant que scénariste, principalement sur des films d’horreur (Psychose 2) mais aussi de SF puisqu’il est notamment derrière le culte Class 184 de Mark L. Lester (réalisateur dont nous vous parlions récemment puisqu’il a mis en scène les pérégrinations du colonel Matrix). C’est pendant l’écriture de Jouer c’est tuer (Richard Franklin 1984) qu’il se met à concevoir ce récit qui fleure bon l’hommage aux productions gothiques des années 50. Un adolescent fan de série B et notamment des horror hoste, ces fameuses émissions de TV américaines présentées par un animateur chargé de mettre un peu le téléspectateur dans l’ambiance avant de lui envoyer le film, se retrouve confronté à un vrai vampire. Un pitch malin qui permet d’incorporer dans la diégèse du film tout l’imaginaire sur les vampires, et donc de jouer sur l’influence qu’il a eu sur les spectateurs, tout en servant de ressort scénaristique puisque (tadam !) cela rend plus difficile pour le personnage principal de convaincre ses proches que le nouveau voisin a les dents qui rayent le parquet.

Impossible donc de ne pas voir un bel hommage à l’héritage laissé par la Hammer, un studio britannique mythique spécialisé dans les films de genre (policier, fantastique, espionnage) et qui a façonné tout un univers légendaire peuplé de montres et de créatures étranges. À partir de 57 et du succès de Frankenstein s’est échappé par Terrence Fischer, la Hammer face au carton du film décide de surfer sur cette vague et de se spécialiser dans ces productions. Elle continue d’imprimer sa marque et une formule qui fonctionne : reprendre les créatures d’Universal (Dracula, Frankenstein, La Momie etc) à travers des films à petits budgets dont ressort toujours la même ambiance, et pour cause, les décors étant souvent identiques, les réalisateurs et les scénaristes de la maison, et les acteurs récurrents. Certains vont vite devenir des figures cinématographiques iconiques et emblématiques de cette période. Il s’agit pour les plus connus de Peter Crushing, Vincent Price et Christopher Lee. Pour la petite histoire, le rôle du chasseur de vampire avait été écrit par Holland pour Vincent Price qui l’a refusé, sans doute car on ne lui proposait plus que des rôles d’horreur. Le personnage échoit donc à Roderick McDowall qui compose à merveille ce Peter Vincent, acteur de seconde zone un brin pathétique mais finalement assez efficace pour combattre les suceurs de sang. Son nom vient d’ailleurs explicitement de Crushing et de Price, c’est dire l’état d’esprit qui a précédé à l’écriture du scénario.

Le casting est un des points forts du film. Chris Sarandon qui l’on retrouvera chez Tom Holland dans Jeux d’enfants (1989), compose un vampire dandy terriblement vénéneux. Toujours sur le fil entre séduction et horreur il incarne parfaitement la dimension sexuelle du vampire, un renouveau apparu également chez La Hammer et qui permettait d’érotiser certaines séquences notamment en justifiant des décolletés. Le vampirisme est assez connoté et il n’est pas anodin que le scénario de Fright Night parle en filigrane de sexe et de première fois. En face, William Ragsdale, Amanda Bearse et Roddy McDowall forment des cibles de choix et permettent par leur jeu de tenir le fil entre comédie (le côté un peu teenager) et ambiance d’horreur.  D’ailleurs l’alchimie entre les acteurs fonctionne bien et il faut noter que Holland a fait répéter ses acteurs pendant 15 jours avant le tournage afin de les roder. Et ça a payé puisque sur le tournage il n’a fallu que quelques prises pour les scènes.

Dès le premier plan, la caméra panote lentement dans la rue principale d’une banlieue de nuit pendant que l’on entend un dialogue lourd de sous-entendus entre un couple qui discute (« votre peau n’a jamais était aussi blanche »). Pourtant les personnages ne sont pas dans le champ. La caméra continue de se déplacer et avance vers une maison tandis que la conversation continue et qu’il ne fait plus aucun doute que la femme est une vampire et qu’elle va dévorer son amant. Alors que la caméra continue de s’approcher de la fenêtre du premier étage d’une maison, on s’aperçoit que la conversation est en réalité celle d’un téléfilm. Dès le départ, Fright Night s’annonce comme un film qui va jouer avec le spectateur et son éventuelle connaissance des codes. D’ailleurs, la mise en place est assez rapide et il y a très peu de doute sur le fait que le voisin soit un vampire. Un cercueil qui passe dans l’allée et une disparition plus tard, le spectateur a tout de suite identifié la menace. Ce qui intéresse Holland est plus à chercher du côté de la confrontation avec le mal et si Fright Night est encore aussi agréable à regarder aujourd’hui c’est parce qu’il combine avec brio scénario décalé mais très bien cadré, bon casting, réalisation et effets techniques au cordeau.

En effet pour un premier film la maitrise de Tom Holland saute aux yeux. Un découpage précis et un sens du cadre parfois un peu saccagé par le montage (la fin de la séquence dans la boite de nuit ou la confrontation finale dans l’escalier) mais qui reste redoutablement efficace. Le tout appuyé par une direction artistique et des effets visuels qui offrent des purs moments d’horreur. Des transformations à l’ancienne, très techniques et qui nécessitaient pas mal d’heures de maquillage mais dont le rendu vieillit très bien à l’écran. Derrière on retrouve Richard Edlund ancien de chez ILM (société d’effets spéciaux de Georges Lucas) qui venait de finir son boulot pour Ghostbuster. Fright Night est véritablement un divertissement dévoué empreint des eighties et qui fait état d’une certaine liberté de ton. Tom Holland a eu les coudées franches pour ce film puisqu’il représentait à l’époque le plus petit budget de la Colombia et que les grands pontes étaient trop occupés à gérer le tournage du blockbuster Perfect avec John Travolta et Jamie Lee Curtis qui sera pourtant un énorme four.

Vampire, vous avez dit vampire ? est un film culte fait par un amoureux du genre qui cherche à être généreux avec son public. Ce dernier ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisque le film va rapporter 24 922 000 $ pour un budget de 9 millions de dollars et le deuxième film d’horreur le plus rentable de cette année 85 après Freddy 2. Incontournable du genre, il a fait l’objet de deux suites et d’un remake dispensable réalisé par Craig Gillespie.