Freedom, réalisé par l’Australien Rodd Rathjen, traite d’un sujet peu connu et jamais vu dans un long métrage de fiction : l’esclavage en Asie du Sud-Est sur des chalutiers. C’est un film percutant, terrible, froid, cruel, dont on sort bouleversé.

Chakra, un jeune habitant d’un village du Cambodge, espère une vie meilleure en Thaïlande. Il émigre et se retrouve contre son gré sur un bateau où il est réduit au travail forcé dans des conditions épouvantables. Il se révolte avec violence contre sa condition, afin de pouvoir recouvrer sa liberté.

Le parti pris du réalisateur d’évacuer le pathos de ce film, qui traite pourtant d’un sujet propre à favoriser l’éclosion des émotions, est une vraie réussite. Rodd Rathjen, pour réaliser son premier long métrage, s’est aussi longuement investi dans les recherches sur son sujet. Enfin, ses acteurs sont pour la plupart des rescapés du travail forcé sur les navires. C’est cet aspect fortement documenté qui permet la mise en perspective de la principale thématique du film. Le réalisateur décrit au scalpel, en utilisant une mise en scène minimaliste, une situation qui touche des dizaines de milliers de personnes réduites en esclavage sans que cette situation émeuve le moins du monde ceux qui achètent les produits de la mer péchés dans ces conditions. Et par ricochet, le consommateur peut saisir alors les conséquences du « toujours moins cher ». Moins cher que mal payé, c’est l’esclavage. Sorry We missed you, le dernier Ken Loach, montrait ce que la loi du marché entraine pour nos sociétés occidentales. Ici nous voyons les conséquences qui sont cent fois pire pour les sociétés lointaines et défavorisées. La révolte du spectateur nait alors de la description de cette mise en esclavage comme un simple « détail » de la guerre économique provoquée par les tensions liées au commerce international. 

Mais, et c’est là que la fiction joue son rôle à plein, une fois le spectateur bien accroché, il reçoit à cause du choix de la violence que fait Chakra, un terrible coup à l’estomac. Comment continuer à s’identifier au personnage principal ? De cette cassure naît la nécessaire réflexion : où se situe la violence ? Peut-elle être légitime ? Qui en est responsable ? À quel moment perd-on son humanité ? Voltaire a écrit (article « Esclave » du Dictionnaire philosophique) « De toutes les guerres celle de Spartacus est la plus juste, peut-être la seule juste». Freedom pourrait être l’illustration de cette citation.

L.S.