Des rêves sans étoiles est un documentaire iranien de Mehrdad Oskouei sur un centre de détention et de réhabilitation pour mineures. Ce lieu regroupe des jeunes filles qui ont grandi dans la misère affective, qui ont été abusées, droguées, battues, prostituées et qui se retrouvent dans ce centre après avoir commis un délit ou un crime. Les motifs de leur incarcération vont du vagabondage au parricide, en passant par le trafic de drogue et le vol à main armée.

Ce qui est étonnant dans le film c’est la manière dont ces jeunes filles se confient, avec le sourire ou entre deux sanglots, en énumérant ingénument les crimes les plus affreux et les sévices que leurs proches leur ont fait subir, cause première de leur naufrage social. Quand bien même leur crime respectif diffère, elles revendiquent d’être semblables en ce sens que leurs histoires se ressemblent, seul le degré de souffrance tend à les différencier.

Elles ne se sentent pas coupables, ou fautives, et cherchent le plus souvent à minimiser leurs errements. « Je ne veux tuer personne » dit celle arrêtée un pistolet en main « sauf peut-être mon oncle » ajoute-t-elle après un petit temps d’arrêt.

Cette ingénuité montre en creux la violence faite aux femmes dans la société iranienne par des traditions qui autorisent les pères à tuer leurs enfants s’ils les jugent fautifs et aux oncles à violer leurs nièces sans y voir de problème.

Ces filles auraient pu être heureuses dans une autre vie. Il suffit de les voir chanter, danser ensemble dans leur dortoir. À un certain moment, on aurait même l’impression de regarder un reportage sur une colonie de vacances si la religion n’était pas aussi présente. Il suffit d’observer les scènes où le mollah organise la prière et enseigne la catéchèse musulmane pour entrevoir le poids de la théologie en Iran. En effet, quand les filles lui posent des questions trop précises sur l’existence d’un dieu qui permet de telles souffrances, le religieux répond avec sa foi et ses croyances sans pouvoir réconforter celles qui ont touché le fond de la misère humaine.

Ce qui frappe durant tout le film, c’est la lucidité implacable dans les paroles de ces jeunes filles qui tranche avec le discours du mollah. Quand le réalisateur les interroge on entend ces réponses glaçantes :

« Quel est ton rêve ? »

 « Mourir parce que je suis fatiguée de vivre »

« Que désire ton cœur ? »

« La paix et la sérénité »

« Comment y parvenir ? »

« C’est impossible »

Et quand on entend l’une des filles dire « Je n’ai jamais été aussi heureuse » c’est quand libérée, elle retrouve ses parents qui acceptent à présent de la croire concernant les abus sexuels dont elle a été la victime par son oncle.

Ce film laisse au spectateur un goût étrange, brut, car on est terrifié par la violence que subissent ces jeunes filles qui entraîne la perte prématurée de leur innocence. Pour autant, on voit que le centre de réhabilitation peut permettre une rédemption si on se donne la peine d’écouter ces jeunes filles et de leur offrir la possibilité d’une vie simplement « normale ». Réflexion universelle ?

Laurent Schérer