Quand on flâne sur le service de SVOD d'Outbuster, on aime dénicher la petite pépite, l'ovni cinématographique que l'on ne pourra jamais voir ailleurs, tel le long-métrage Colonel Panics dont nous allons vous parler aujourd'hui et qui nous vient tout droit du Japon. Mis en scène par un cinéaste d'origine coréenne, Colonel Panics ne cesse de nous faire perdre nos repères temporels et nous fait douter d'une réalité qui semble être dans ce film un monde virtuel comme les autres.

Avant de commencer cette critique, je tiens à signaler que ce film est réservé à un public averti en raison de scènes de sexe et de violence. Un film pensé pour les adultes de la part d’un cinéaste qui dédie Colonel Panics à Nagisa Oshima, connu pour ses longs-métrages tels que [[Film::11748 Max mon amour]] ou Furyo . Figure du cinéma transgressif, Oshima a même été condamné par les tribunaux japonais pour obscénité avec L’empire des sens où le sexe et la mort, Éros et Thanatos, sont intimement liés.

Mais que raconte Colonel Panics :

Les destins de deux hommes, l'un du futur et l'autre du passé, vont se croiser lorsqu'un virus malveillant s'étend à travers Level 4, un jeu vidéo qui brouille les frontières entre rêve et réalité.

Soyons francs, Colonel Panics aborde de façon assez superficielle la thématique de la réalité virtuelle. Il est évident que ce long-métrage ne possède pas la profondeur de l'Avalon de Mamoru Oshii qui posait des questions existentielles sur l’identité dans les mondes virtuels. Ici, la réflexion sur la technologie est surtout accessoire pour un réalisateur qui veut dresser un portrait accablant du Japon d’aujourd’hui.

Ce long-métrage a été considéré comme misogyne par certains de ses spectateurs en raison de la façon dont il érotise le corps féminin et de la mise en image du fantasme de domination. Pour autant, quand on regarde le film, il semble évident que, par le biais de la réalité virtuelle, le réalisateur dénonce la situation d’un pays où l’absence de contact entre les êtres a conduit à une certaine misère sexuelle. En effet certaines statistiques indiquent qu'un tiers de la population n’a jamais eu accès à une relation sexuelle en dehors de l’onanisme. Colonel Panics s'avère au final une peinture glaçante du mâle japonais représenté comme un lâche et un impuissant, qui ne trouve sa jouissance que lorsqu’il est déguisé en officier de la Seconde Guerre. Le réalisateur montre donc comment le personnage principal revêt les habits du fascisme pour exprimer sa détestation du sexe opposé grâce à l’image d'un bourreau sadique. De la même manière, le réalisateur s’inspire de l’esthétique du giallo italien pour certains de ses meurtres afin de montrer que la violence est la seule finalité d’une société où l’impuissance sociale ou sexuelle mène à la destruction de l’autre.

Malheureusement, le film souffre du syndrome de la première œuvre. Ce long-métrage ressemble trop souvent à ces essais maladroits d’aspirants cinéastes qui veulent dire trop de choses et ne savent pas faire de choix. On le voit particulièrement dans les scènes censées se passer dans le futur et qui n’apportent rien d’un point de vue scénaristique ou thématique. Je pense également aux séquences de striptease qui sont inutiles et dont l’esthétique de papier glacé semble aussi futile que les dernières réalisations de Nicolas Winding Refn . Enfin, on notera la maladresse de Cho Jinseok dans sa conclusion où il annule la puissance dramatique de son film en voulant nous choquer avec des images de violence qu’il voudrait insoutenables. Néanmoins Colonel Panics reste intéressant à regarder pour son portrait glaçant du Japon où s’exprime la rage de son réalisateur contre nos sociétés modernes.

Mad Will