Les Nuits Fauves est le film d’une génération marquée par l’émergence du VIH. Ce récit autobiographique réalisé par Cyril Collard est adapté de son roman éponyme. Il sort en 1992, au début de cette décennie qui sera celle des « années SIDA » et reste aujourd’hui encore un film clé sur cette période.

Jean (Cyril Collard), 30 ans, est bisexuel et séropositif. Il travaille comme chef opérateur et fait la connaissance de Laura (Romane Bohringer), 19 ans, au cours d’un casting. C’est le début d’une histoire d’amour mouvementée par la passion possessive de Laura et l’envie de vivre de Jean, malade du SIDA mais justement animé d’une pulsion de vie très forte qui le pousse à profiter au maximum de chaque instant. Alors qu’il continue toujours de fréquenter Samy (Carlos Lopez), un paumé qu’il a rencontré, et d’avoir des rapports avec d’autres hommes, sa relation avec Laura menace d’exploser.

Cyril Collard, ancien assistant de Pialat, livre un long métrage bouleversant véritable miroir d’une époque. En témoigne le grand succès public du film dont l’aspect réaliste a fait écho auprès des spectateurs et a permis d’amorcer des débats sur le VIH. Le récit, tout en explorant le triangle amoureux interprété par un casting bouleversant (Romane Bohringer, 19 ans à l’époque et Carlos Lopez entre autres), nous entraine également au cœur d’autres aspects de la personnalité de son personnage principal qui mettent en lumière certains comportements de l’époque : les skinheads, les lieux de rencontres homosexuels dans des endroits abandonnés, le polyamour etc.

La réalisation fluide et très inspirée est quelque part empreinte du cinéma de Pialat. Souvent filmé caméra à l’épaule, le cadre ouvert et le montage capturent des morceaux de la vie de Jean et de sa course effrénée qui ne ressemble pourtant jamais à une fuite. C’est d’ailleurs dans ce contraste que la dimension de la maladie prend tout son sens, car la mort qu’elle porte n’est jamais montrée mais uniquement évoquée. Cette tension permanente qui accroche le spectateur participe à nous faire ressentir cette volonté de vivre exacerbée, même lorsqu’elle se manifeste par des comportements à risque dégueulasses, égoïstes, mais finalement beaucoup trop humains.

Cyril Collard décédera du SIDA à 35 ans, quelques jours avant la cérémonie des Césars au cours de laquelle le film repartira avec 4 trophées (meilleur film, meilleur espoir féminin pour Bohringer, meilleur montage et meilleur première œuvre) qui viendront récompenser cette œuvre devenue culte et donc la recherche éperdue de Jean résumée dans une de ses répliques : quand on s’arrête de chercher on meurt.

M. Wade