Après Augustine sorti en 2012, Alice Winocour nous livre avec Proxima un nouveau beau portrait de femme.

Cette fiction raconte la vie de la spationaute Sarah Loreau (Eva Green), entre le moment où elle a été sélectionnée pour rejoindre la station spatiale, et son départ pour celle-ci au sein de laquelle elle devra rester une année entière. Cette femme qui s’affranchit parfois des protocoles et qui ne rentre pas dans le moule qu’un environnement machiste voudrait lui imposer, est dépeinte avec acuité à travers les conséquences que cette sélection entraine sur sa vie et en particulier sur les rapports avec sa fille Stella.

On se laisse volontiers prendre au jeu de cette fiction qui nous fait rêver d’étoiles tout en ne les montrant pas. La réalisatrice a en effet un regard décalé par rapport à d’autres films sur la conquête spatiale : ce qui compte, c’est plus l’espace réservé à Stella que celui vers lequel va s’élancer Sarah. Alice Winocour filme avec justesse et une grande finesse les rapports mère/fille, les occasions ratées, mettant en parallèle le « métier » de mère et celui de femme spationaute.

D’autre part, le film révèle la fracture entre une personne et sa représentation. Pour illustrer cela, la réalisatrice filme entre autres une scène jubilatoire dans un supermarché de la base d’envol de Baïkonour où Sarah et un autre membre de l’équipage tombent sur leurs propres figurines.

Ce long-métrage raconte ce que Sarah va perdre en quittant la terre et non ce qu’elle attend de son séjour dans la station spatiale. L’arrachement au sol favorise paradoxalement un regard appuyé sur cette terre qu’elle quitte, traduit par la métaphore entre le coupage du cordon terre/espace et celui mère/fille. On est donc loin du portrait du spationaute en surhomme ou celui de la superwoman coupée des contingences familiales. Ici on montre la fragilité de la personne humaine et les années de travail nécessaires pour endurcir le corps et l’esprit pour le voyage dans l’espace.

Bref, un beau portrait dans un film sensible qu’on a plaisir à regarder.

Laurent Schérer