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Scary Stories est avant tout une série de livres illustrés par Stephen Gammell et écrits par Alvin Schwartz. Bannis dans de nombreuses bibliothèques américaines sous la pression de certaines ligues parentales, les Scary Stories to Tell in the Dark sont des livres cultes pour de nombreux jeunes américains qui furent terrifiés par les récits horrifiques d’Alvin Schwartz.

La grande force de l'auteur est d’avoir compris qu’il était important pour un enfant de faire face à ses peurs. Les parents réfractaires à ces ouvrages auraient dû comprendre que ces histoires, à l’instar des contes de Grimm, étaient essentielles dans la construction intellectuelle de leurs rejetons, car elles donnaient un visage à leurs peurs. Les angoisses que vivent les enfants ne disparaissent pas si on les évite, pire elles se renforcent. C'est donc une erreur manifeste de vouloir priver un jeune d'un ouvrage qui lui permettra d'affronter ses peurs et de discuter des choses qui l’effraient.

Quand il lance le projet en tant que producteur, del Toro souhaite proposer une oeuvre horrifique qui serait regardable par toute la famille, ou du moins par les enfants les plus âgés. Il y a une réelle volonté de proposer de la part de Guillermo de proposer de l’humour et des frissons sans jamais vouloir reproduire les effets d’un cinéma d’horreur sadique et gore. Comme souvent chez le cinéaste mexicain qui a cosigné le scénario, nous sommes dans un film de monstres à l’ancienne qui nous dévoile des créatures originales et envoûtantes. Influencé par le Stand by me de King, Scary Stories place son action dans les années 60 et ne propose jamais un discours « meta » dans la lignée d’un Stranger Things qui ne cesse de jouer au jeu des références avec son public. Pour réaliser le film, il choisit le norvégien André Øvredal qui s’était fait connaître des amoureux du fantastique par le sympathique Troll Hunter et la série B The Jane Doe Identity qui était son premier film américain. Un metteur en scène solide et classique dans son découpage qui n’abuse pas des effets tels que le jumpscare (image qui saute à l’écran pour créer la peur).

À noter que les livres Scary Stories to Tell in the Dark étaient des anthologies d’histoires effrayantes qui n’avaient pas de rapport entre elles. Ces ouvrages proposaient de découvrir de simples récits horrifiques inspirés du folklore américain et de légendes urbaines. Pour l’adaptation au cinéma, del Toro et son réalisateur ont finalement décidé de réutiliser différents personnages des nouvelles de Schwartz et de les placer dans une histoire originale qui reprend le style visuel de l’illustrateur Stephen Gammell.

Que raconte le film ?

Un groupe d’adolescents tente de résoudre le mystère entourant une série de morts horribles survenue dans leur petite ville. Ils vont devoir se confronter à leurs propres peurs. Un livre découvert dans une maison hantée a en fait déchainé une horde de créatures maléfiques. Une jeune fille voit son visage se boursoufler : une créature a pris possession de son corps. Ses amis se demandent quand sonnera leur heure...

La critique

Le film propose une reconstitution soignée des années 60 grâce à la mise en scène classique d’Øvredal. Il est clair que dans les premières minutes du film, on a l’impression de retrouver certaines descriptions des ouvrages de King se passant à la même période, ce qui n’est pas un mince exploit quand on sait que l’écrivain du Maine est considéré comme l’un des plus talentueux peintres de l’Amérique des sixties.  Malheureusement, le scénario se révèle très vite le point faible du film. Trop fonctionnel, il manque d’originalité et peut-être résumé à un banal récit de maison hantée. On a  du mal à se passionner pour les aventures de personnages pas toujours bien développés et dont on ne comprend pas bien les motivations en raison d’une écriture mécanique qui ignore toute psychologie. Des problèmes d’écriture qui trouvent peut-être leur origine dans la pléthore de noms associés au script. Ainsi sur IMDB on peut noter que l’histoire est signée Marcus Dunstan et Patrick Melton. Deux scénaristes au tableau de chasse rempli de Saw et autres films d’horreur pas toujours très originaux. On retrouve ensuite Dan Hageman et Kevin Hageman pour la rédaction du scénario final, tous deux ont déjà collaboré à Lego Ninjago ou Chasseurs de Trolls. On peut supposer qu’ils ont amené le caractère tout public et l’humour à un script de banal film d’horreur. Enfin, del Toro est intervenu et nous recycle certaines de ses idées comme le rouleau à diffuser sur un phonographe qui permet de délier l’intrigue comme dans son Crimson Peak. Le problème c’est que le mariage de toutes ces influences ne passe pas toujours bien à l’écran. Le film n’est pas assez horrifique pour plaire aux fans de Conjuring mais en même temps il est trop graphique pour être vu par les plus jeunes. Au final, l’univers créé par Alvin Schwartz est desservi par une histoire assez banale. Les livres restent plus effrayants que cette mise en image très convenue et hollywoodienne. Là où le pouvoir de suggestion de son auteur pouvait vous glacer le sang, le rendu sur l’écran est attendu et a bien du mal à se différencier du tout venant du cinéma fantastique.

Pour autant, tout n’est pas inintéressant dans ce le long métrage qui est une ode aux conteurs, à la nécessité d’écrire de la fiction pour égayer nos vies humaines comme le souligne le final plutôt malin du film. Le long-métrage propose également en filigrane un discours social par l’intermédiaire du personnage de Ramon qui est rejeté en raison de ses origines mexicaines alors que les discours démagogiques de Nixon résonnent en arrière-plans et annoncent les propos racistes de Trump.

Série B sympathique et pas dérangeante à regarder grâce à une mise en scène solide, on attendait tout de même plus de cette production de del Toro qui souffre d’un scénario assez banal et attendu malgré son magnifique bestiaire et la richesse de son modèle littéraire.

Mad Will