Alors qu’il vient de décéder, Juste ([[Personne:263694 Thimotée Robart]]) obtient un dernier sursis, le permis de vivre à condition qu’il reste sur terre pour recueillir les derniers souvenirs des mourants. Il vagabonde ainsi dans les rues de Paris, à la recherche de ces témoignages, pensant être invisible pour le commun des mortels. Un jour une jeune femme le reconnaît ([[Personne:6915 Judith Chemla]]), le suit, et se présente à lui comme Agathe, une vieille connaissance. Tous deux sont touchés par cette rencontre et vivent un amour troublant, entre fantasme et réalité.

Avec ce premier long métrage de fiction, [[Personne:4976 Stéphane Batut]] rejoint le genre très en vue du “réalisme magique”, que l’on a pu apprécier dans [[Film:156332 Zombie Child]] de [[Personne:4240 Bertrand Bonello]], et bientôt dans [[Film:155511 Atlantique]] de [[Personne:4974 Mati Diop]], lorsqu’une certaine difficulté à vivre le contemporain vient s’envelopper d’une couverture chimérique (ici littéralement le vêtement scintillant que porte Thimotée Robart durant presque tout le film).

Comme ses personnages, le film réinvente le temps, et les quelques jours que dure cette idylle filmée s’inscrivent dans une temporalité suspendue du reste du monde, contournant ainsi la mort à laquelle Juste est condamné. Mais il n’est pas maître de son corps et ne peut choisir d’être visible ou non aux yeux d’Agathe. C’est pour cela que, lorsqu’il devient soudain fantôme et effleure les cheveux de son amante, celle-ci, désespérée par son absence, ne croit sentir qu’un courant d’air sur sa nuque. Par son jeu de mise en scène, le réalisateur rompt la frontière avec l’au-delà, rendant le fantasme matériel.

Le film ne s’arrête pas à une amourette surnaturelle. [[Personne:4976 Batut]] fait en effet bon usage de sa formation première -celle de directeur de casting- en faisant découvrir un nouvel acteur, l’étonnant [[Personne:263694 Thimotée Robart]] et en prenant plaisir à multiplier les seconds rôles, dressant des petits portraits de ci de là : Alpha, immigré africain, vendeur de chaussures, Nonna la grand-mère italienne délirante… tous deux sont aussi morts-vivants et guident Juste avec humour dans son rôle de Saint-Pierre.

Très imprégné de l’imaginaire de [[Personne:429 Cocteau]] et [[Personne:3006 Franju]], Vif-Argent n’en devient pas pour autant un pastiche mais déploie sa singularité et son lyrisme propre, dérivant principalement du fantasme. Les plus belles histoires d’amour sont bien celles qui émanent de notre propre désir, celles que l’on imagine avant de les laisser repartir, comme cet éclat que le titre promet.

S.D.