Balançant entre horreur et humour, Eddie the sleepwalker cannibal de Boris Rodriguez est une coproduction canado-danoise qui commence par une citation de Jack London : « On ne peut pas attendre que l’inspiration vienne, il faut courir après avec une massue » Cette réflexion sur l’art, le sujet principal de ce film, sera donc suivie à la lettre et au premier degré par les deux personnages principaux de cette histoire.

Lars Olafsen (Thure Lindhart), peintre de renom, trouve son inspiration à la vue du sang. Sa créativité baissant, il se laisse embaucher comme enseignant dans une école d’art privée où on lui confie comme élève Eddie (Dylan Smith), retardé mental et… somnambule cannibale suite à un sanglant traumatisme subi quand il avait cinq ans.

On entend assez souvent le leitmotiv que l’art nait de la souffrance et que tous les grands artistes, musiciens peintres écrivains etc., l’ont été parce qu’ils ont souffert, de la faim, de l’injustice, d’un traumatisme quelconque…  Le film par le biais du genre horrifique va nous interroger sur les liens entre la souffrance et la création pour savoir si les deux éléments sont indispensables pour créer une œuvre artistique.

Le film va également nous questionner sur ce qui fait la valeur d’un artiste.  Alors que Lars a renoncé à peindre faute d’inspiration, au grand désespoir de son agent Ronny (Stephen McHattie) qui le pousse à devenir enseignant. Il se laisse convaincre de recommencer à peindre par le directeur de l’école, aux yeux duquel il est un grand artiste. En conséquence, est-ce l’intime conviction ou le regard de l’autre qui fait l’artiste ?

Enfin, nous retrouvons tout au long du film une réflexion sur jusqu’où est capable d’aller un artiste pour honorer sa créativité. (Ici restreinte au champ artistique mais qui métaphoriquement peut déborder du cadre.) Sachant qu’il s’agit d’un film d’horreur, je laisse le spectateur imaginer le pire.

Lars s’étant laissé convaincre de se remettre à peindre, il va de nouveau devoir côtoyer des scènes sanglantes pour recréer. Il pense que c’est le prix à payer pour réussir son œuvre (ah l’Œuvre avec un grand O, encore un cliché tenace sur l’Artiste !) C’est pourquoi, quand il se rend compte de ce que fait véritablement Eddie, il pense avoir trouvé la solution qui lui permettra de reprendre pleinement une activité d’artiste créateur. En effet, Eddie est un somnambule cannibale (comme quoi tous les traumatismes n’enfantent pas que d’artistes, première entaille dans la fameuse théorie citée au début) qui, quand il est contrarié, chasse puis mange tout cru les êtres qui passent à sa portée. D’abord des lapins et autres quadrupèdes puis … vous devinez la suite. Dylan Smith joue à merveille cet enfant muet emprisonné dans un corps d’adulte qui chasse en slip la nuit dans la neige. Il réussit l’exploit de donner une profondeur psychologique à son personnage sans prononcer un mot.

Pour lier le tout et donner encore plus de profondeur au scénario, nous ferons  la connaissance de Lesley (Georgina Reilly) charmante collègue de Lars qui, elle, crée sans avoir eu à passer par la case traumatisme. Il s’ensuit donc entre les deux professeurs une relation d’amour/jalousie/haine suffisamment complexe pour donner du sel à l’histoire (parce que le pauvre Eddie mange ses victimes sans sel bien sûr).

Ce film nous propose une réflexion sur l’art dans le cadre très inhabituel du film horrifico-comique. Avec ses quelques scènes gore suffisamment distancées pour ne pas être trop traumatisantes, nous vous invitons à déguster ce film très réussi chez notre partenaire Outbuster !

L.S.