« Ils ne croient en rien »

Le Stalker

Après la chute d’une météorite sur un village russe, les autorités ont décidé d’en verrouiller complétement l’accès et interdisent violemment l’entrée à ceux qui veulent s’approcher de ce que l’on appelle désormais « la Zone ». Pourtant les Stalker, les seuls guides capables de se faufiler dans cet endroit, continuent de partir en mission et d’amener à destination ceux qui sont assez fous pour vouloir s’y introduire. Car en effet, des folles rumeurs disent que « la Zone » a des pouvoirs magiques et qu’elle est capable d’exaucer les souhaits. Deux individus aux motivations différentes entreprennent alors le voyage.

D’une durée de 2h40, Stalker est une expérience d’autant plus folle qu’il ne se passe, à proprement parler, rien du tout. Autant être clair, à l’exception de l’échappée en jeep au début du film, tout le reste n’est qu’une succession de séquences magistrales et de dialogues philosophiques percutants qui aboutissent sur un dernier plan final plutôt obscur. Et pourtant, on pourrait dire qu’il se passe absolument tout. Stalker est un voyage incroyablement puissant en compagnie de trois individus (quatre si l’on compte « la Zone » qui est filmée comme un personnage) qui ne sont définis que par leur fonction : Le Stalker, L’écrivain et le Professeur. Chacun va tenter d’accéder au cœur de « la Zone », guidé par le Stalker, pour des raisons diverses. De ce pitch prometteur le réalisateur russe tire un opéra métaphysique fort sur la condition humaine. Dès le début du film et jusqu’à son terme, Tarkovski distille une ambiance lourde et convoque, uniquement avec sa mise en scène, science-fiction et mysticisme (une attitude qui innerve l’œuvre de Tarkovski à l’image notamment de Solaris, son blockbuster, qui réussissait habilement l’équilibre). Dans cette adaptation du roman éponyme de Arcadi et Boris Strougatski l’imagination du spectateur et stimulé à chaque séquence, et l’on ressort éprouvé de cette quête sans être tout à fait certain d’avoir bien saisi tous les éléments. Qu’importe, le plaisir est ailleurs (le fameux : "dans le chemin et non au bout du chemin" ) et cette version restaurée est une aubaine, car on ne saurait que trop conseiller de voir ce chef d’œuvre sur grand écran.

Thomas Kukla