Dans son film Au revoir l’été, sorti en 2013, le réalisateur japonais Kōji Fukada place sa caméra sous le soleil estival d’une petite ville de la côte japonaise, où se déroule une intrigue délicate qui laisse cependant apparaître les difficultés du monde contemporain.

Cette chronique de vacances où les personnages se rencontrent et se retrouvent à la fin de l’été est aussi l’occasion pour le cinéaste de livrer une peinture sociale du Japon, marquée par la récente catastrophe de mars 2011. L’été n’est qu’une parenthèse fragile, un instant léger que l’on tente de retenir alors qu’il s’enfuit déjà.

Sakuko, une jeune adolescente qui vient d’échouer à ses examens d’entrée à l’université, retrouve sa tante Mikie dans son village natal, où elle effectue un long travail de traduction d’un roman indonésien. Les journées studieuses vont petit à petit céder la place à des promenades le long de la plage faites de rencontres. Mikie retrouve Ukichi, un ancien amant, qui désormais est le gérant d’un love hotel clandestin, où il emploie son neveu, Takashi, qui est du même âge que Sakuko.

Les vacances commencent et sont d’ailleurs rythmées par des cartons indiquant le jour, écrit au stylo bille sur une feuille blanche. Un style particulier qui n’est pas sans rappeler celui d’Éric Rohmer, ses films estivaux revenant ici en mémoire. Sakuko a la candeur de Pauline dans Pauline à la plage, et la détermination de Margot dans Conte d’été. Ses longues marches sur la plage avec Takashi où leur relation se construit timidement évoquent celles de Margot et Gaspard le long de la côte bretonne. Comme chez Rohmer, la marche est bien souvent l’occasion d’une conversation, inscrite dans une image travaillée comme un tableau. Les plans, parfois très picturaux, rendent compte d’une composition subtile en format 4:3, d’une correspondance des couleurs, d’une lumière douce et chaleureuse qui donnent au film une atmosphère apaisante et bienveillante.

Le cinéaste veut saisir le quotidien et filme l’attente, dans une esthétique au charme discret. La langueur estivale se déploie dans les intérieurs sobres de la maison de vacances japonaise dont les couleurs pastel viennent accentuer le calme et l’oisiveté. Au dehors, le chant incessant des cigales rythme les journées ensoleillées, les promenades à vélo et la baignade le long de la rivière où Sakuko se baigne sous le regard curieux et pudique de Takashi. C’est dans la simplicité de ces instants que naît une beauté poétique. 

Au fur et à mesure des rencontres entre les personnages se dessinent une comédie de meurs et des intrigues amoureuses, qui sont bien souvent suggérées plutôt que révélées, grâce à la finesse de la mise en scène. Les sentiments ne sont jamais exposés directement, mais sont recouverts d’un voile pudique qui vient paradoxalement leur donner une forte intensité dramatique. Kōji Fukada s’intéresse aux relations qui se transforment, qui évoluent, et laissent parfois à ses acteurs une place à l’improvisation, notamment lors d’une scène de repas d’anniversaire marquée par une discussion haute en couleurs au sujet de l’amour, qui, encore une fois, rappelle les discussions entre Marion, Pierre et Henri dans Pauline à la plage.

Si le cinéaste s’intéresse aux mœurs et aux sentiments, sa chronique estivale intègre aussi une plus large vision du monde, notamment dans son intérêt pour la dimension politique contemporaine. Takashi est un réfugié de Fukushima, qui hait son rôle de victime nucléaire. Kōji Fukada rend compte du développement d’une conscience politique paradoxale chez les Japonais. Les manifestation anti-nucléaires rassemblent peu de monde, et la jeunesse semble se désintéresser du discours politique contemporain.

Takashi et Sakuko sont habités par un sentiment commun, celui de la recherche du lointain, l’idée d’un ailleurs. Ils rêvent d’évasion, de quitter leur ville et de parcourir le monde, pour apprendre à connaître les autres et à se connaître eux-mêmes.

Au revoir l’été est une chronique estivale à la langueur recherchée, à la présence sensible et poétique qui, tout en faisant le portrait de destins ordinaires et singuliers, parvient à toucher l’universel. Kōji Fukada nous offre un cinéma tout en nuance, au rythme fluide et léger, qui retient l’été juste avant qu’il ne disparaisse.

 

Camille Villemin