Sorry we missed you est un film du réalisateur anglais Ken Loach qui poursuit son œuvre dans la veine de la critique sociale à laquelle il nous a habitué. Ce film possède cependant un plus par rapport à ses précédents, en particulier sa palme d’or, Moi, Daniel Blake, qui dénonçait les travers du pôle emploi britannique. Il est plus sensible, plus équilibré tout en restant démonstratif. Car non seulement il décrit parfaitement les conditions de travail de Ricky Turner (Kris Hitchen) chauffeur livreur « à son compte » et celles de sa femme Abbie Turner (Debbie Honeywood) aide à domicile, mais surtout il expose avec précision les répercussions de ces conditions de travail sur le couple et ses deux enfants, un garçon et une fille. Cependant la retenue du réalisateur se fait sentir dans l’expression d’un minimum de pathos et la présence d’une fin ouverte (sur de maigres perspectives mais néanmoins ouverte), bref, une description, qui tout en étant dure et sans concession, semble plus nuancée que pour certains dans ses derniers longs-métrages.

La mise en parallèle de la faillite d’un système et de celle de la famille expose une évidence criante, que la société britannique ne prend pas la bonne route. En effet, la précarisation érigée en modèle économique par les grosses sociétés obsédées par le profit maximal nous fait reculer de cent ans en détruisant les droits des travailleurs, de la même manière que Ricky perturbe l’harmonie familiale à la recherche d’un supposé bien-être matériel au profit de ses enfants, mais qui s’avère au final une chimère promise par le système libéral.

Autant Moi, Daniel Blake décrivait un homme broyé sans échappatoire possible, autant dans son dernier film le réalisateur montre une révolte potentielle dans l’attitude des enfants, en particulier celle du fils adolescent qui refuse de s’intégrer dans une société dont il a finalement peut-être mieux compris les rouages que ses parents. Et si le dernier mot revenait à la jeunesse ?

Un excellent Ken Loach que nous vous invitons à voir !

Laurent Schérer