Le 25 septembre 2017 est arrivé sur Netflix le dernier Álex de la Iglesia, El Bar, un an après le très bon Mi Gran Noche, également en VOD sur la plateforme américaine. Bref, la SVOD continue d’accueillir, et ce pour le plus grand bonheur des cinéphiles, des petits bijoux impossibles à sortir en salles par la voie classique.

Une personne est brutalement abattue devant un bar. Alors que les rues se vident pour échapper au tireur, les clients de l’établissement se barricadent. Commence alors une longue attente pour tenter de comprendre la situation. Pris au piège, les personnalités se révèlent.

Ne boudons pas notre plaisir, Pris au piège (le titre français) est excellent et nous offre un huis clos hitchcockien brillamment mis en scène. Passé l’ouverture (très beau plan séquence qui attrape tous les personnages) et les premiers plans très rythmés du bar qui offrent un début de caractérisation, le prétexte d’une menace extérieure vient figer d’un bloc toute cette mini société dans le temps et l’espace. Plus question de s’ignorer, il faut désormais composer ensemble.  C’est le top départ pour 1h40 de descente dans les égouts de la nature humaine. De la Iglesia, avec le ton de la comédie horrifique qui lui est propre, tire à vue sur ses contemporains et livre une satire sociale particulièrement amère. Les séquences de confrontation s’enchainent avec un découpage au cordeau, très impressionnant quand on y regarde de plus près, (une séquence notamment au début du film est un masterpiece de mise en scène dans la gestion des champs-contrechamps, des acteurs et de l’espace) le film n’est pourtant jamais dans l’esbrouffe. Et si le réalisateur de Balada Triste perd une partie de ses fans qui trouvent le métrage trop carré et moins joyeusement foutraque que ses précédents, c’est pour la bonne cause puisque cette rigueur lui permet d’assurer un rythme qui ne faiblit jamais. Et quand on voit la vitesse à laquelle le film démarre, c’est très fort.

Servi par un excellent casting, ce survival comporte également son lot de symboles (la renaissance, les 3 actes, la purification, on s’arrête là pour ne pas spoiler) et autres matières psychanalytiques chères aux critiques et aux spectateurs adeptes des métaphores visuelles. Loin d’être de la caricature, cela révèle la démarche intellectuelle derrière le cinéma et la précision dont de la Iglesia fait preuve : l’entretien à Mad Movies dans le numéro Juillet/Août est d’ailleurs très intéressant sur ce sujet.

À l’arrivée, un film généreux avec un réel engagement du réalisateur pour ses acteurs et un vrai plaisir pour le spectateur.

Vénérable Wade